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simple. C’est une femme jeune encore, remarquablement intelligente. Elle nous fait entrer dans les salles de travail réservées aux femmes, où les moins infirmes s’occupent à coudre, à tisser, à tricoter ; nous visitons tout ce grand refuge et aussi les rudes cellules des premiers Récollets et la chambre où sont pieusement gardés, — comme à l’Hôtel-Dieu les lettres de saint François de Sales, de saint Vincent de Paul, etc., — tous les précieux autographes légués par Mer de Saint-Vallier qui correspondit avec maintes célébrités de son temps.

Le fondateur de la maison est en peinture un peu partout, les moindres objets à son usage sont tenus en vénération. N’est-ce pas une immortalité enviable que celle de cet ami des pauvres qui, après s’être privé, dépouillé à leur profit tant qu’il vécut, reste encore parmi eux comme un bon génie, comme un père, objet de l’amour et des prières d’un groupe de saintes femmes consacrées à sa mémoire ? Elles le servent en la personne de tous ces vieillards qu’il leur a recommandés de génération en génération et à jamais.


La maison que j’ai visitée à Québec avec le plus d’intérêt est l’asile du Bon-Pasteur. Il ne s’ouvre pas facilement aux personnes du dehors et je fis connaissance avec les deux écoles élémentaire et académique très renommées que dirigent les Servantes du Cœur Immaculé de Marie, bien avant de franchir la clôture qui retranche du monde leurs pénitentes. Quelle troublante impression produisirent sur moi, la première fois que je les entendis derrière une porte close, ces nombreuses voix de femmes qui, d’un plaintif cri de détresse, appelaient l’action du Saint-Esprit : — Esprit-Saint, descendez en nous ! J’exprimai alors à la supérieure générale le désir de m’approcher d’elles. Encore une des femmes éminentes de Québec, cette mère Marie du Carmel, en qui sont réunies la distinction, l’autorité morale et par surcroît une beauté majestueuse rehaussée par les longs vêtemens noirs, par la coiffe surtout, si pittoresque, qui encadre de blancheur tout le visage et forme sous le menton comme un large rabat. On remarquera que je parle souvent de belles et très belles religieuses ; il est vrai que je n’en ai jamais vu autant qu’en Canada, ce qui équivaut à dire que le type féminin y est beau en général et qu’une élite entre les femmes se donne à la vie de couvent.

Quelques jours après je recevais un petit billet de la plus