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bassin de radoub, peu de magasins et de faiblement approvisionnés[1], un trop grand nombre de navires mal entretenus et qu’il a fallu réparer en toute hâte, — une demi-douzaine de grands croiseurs, entre autres, — une défense des côtes à peine organisée, enfin un personnel insuffisant comme nombre, d’une solidité encore douteuse, et à qui un corps d’officiers excellent, mais trop restreint, aura sans doute quelque peine à inspirer en toute circonstance des sentimens de vif patriotisme.

Du côté de l’Espagne, une flotte inférieure en nombre, inférieure aussi en valeur militaire, sauf quelques exceptions, — croiseurs cuirassés et avisos-torpilleurs, — des bases d’opérations exotiques mieux aménagées par la nature que par l’art et surtout par la prévoyance de l’organisme central, des magasins suffi sans, mais un service d’artillerie mal organisé, des navires en réserve assez bien entretenus, mais l’achèvement des unités nouvelles poursuivi avec une fâcheuse lenteur, une défense des côtes beaucoup plus soignée dans la métropole, qui n’a pas grand’chose à craindre, qu’aux colonies directement menacées, enfin un personnel parfaitement dévoué sans doute, animé d’un véritable esprit militaire et patriotique, mais où le « sens marin » semble avoir perdu de sa finesse, sans que l’introduction dans les équipages d’élémens plus familiarisés avec le service à terre qu’avec le service à la mer ait pu faire perdre à cet amalgame un peu hétérogène certains défauts de race, certaine insouciance, certaine inexactitude dans la vigilance extérieure.


III. — LES OPÉRATIONS DE GUERRE

Avant de parler des opérations mêmes, — des opérations possibles et de celles qui ont déjà eu lieu, car la nouvelle du combat de Manille nous arrive à l’instant, — il convient de jeter un rapide coup d’œil sur les bassins maritimes où elles vont se dérouler. Nous ne ferons ainsi qu’appliquer pour notre compte un principe de l’art de la guerre rappelé ici il y a quelques années : déterminer d’abord le théâtre principal des opérations pour y employer la majeure et la meilleure partie des forces disponibles.

La mer des Antilles, le golfe du Mexique, la côte

  1. Ceci était plus vrai au mois de décembre qu’aujourd’hui. Les Américains ont mis à profit les premiers mois de l’année pour confectionner chez eux et pour commander en Angleterre force projectiles et force poudre.