peintre, une architecture pour Watteau. Mais quel rêve encore, et par quel réveil interrompu !
La Révolution arrête tout dans les arts. Brisant les hiérarchies, elle détruit toute discipline d’art ; supprimant, par une faute analogue et aussi grave en ses résultats que l’avaient été à la fin du moyen âge la dispersion des francs-maçons, les corporations et les maîtrises, elle stérilise toute tradition du métier. La Convention n’a construit que sur le papier, et il faut arriver à l’Empire pour trouver un effort nouveau, ou renouvelé — pastiché bien plutôt — de l’antique ; d’ailleurs à travers une fausse conception de l’antiquité sous l’influence de la passagère illusion inventée par les philosophes et les littérateurs d’un retour aux mœurs et à la vertu antiques, et à la suite d’un Winkelmann, illustre critique qui confondit l’art romain avec l’art grec, et de cette approximative érudition a empoisonné nos sources d’art pour la moitié du siècle. Que dire de la Restauration où on ne fait rien, et du règne de Louis-Philippe où on fait laid ? Il y a vraiment des époques où tout le monde a de l’art et du goût — comme à Florence en cet admirable cinquecento — et d’autres où personne n’en a comme sous Louis-Philippe, en France… et ailleurs ! Et dans ce siècle, du moins avant notre époque contemporaine agitée, incertaine et décousue — et peut-être, au fond très intéressante — un monument domine tous les autres et seul demeure, très probant et très beau, toujours parce qu’il est logique, parce qu’il synthétise clairement toute une époque, en cette Trinité : Un homme, une armée, la gloire ! C’est l’arc de Triomphe[1], porte héroïque et symbolique du Paris moderne, dans laquelle se couche triomphalement le soleil aux soirs de printemps, par laquelle entrera tout l’avenir ! Et brusquement nous voici devant le problème architectural de notre temps. Que va-t-on faire ? Quel sera demain l’art de bâtir, et quel le métier ? Sans doute, la France n’est plus, dans les arts, l’unique directrice, et, à l’étranger, chaque race cherche, artistiquement aussi bien que politiquement, à organiser sa nationalité, en accumulant les souvenirs de ses origines, en collectionnant les raisons de sa personnalité. Et je veux croire que la France ne sera pas la dernière à revendiquer les droits historiques de sa figure morale
- ↑ Commencé par Napoléon Ier en 1806, cet arc de triomphe, le plus grand qui ait jamais été construit, ne fut terminé que sous Louis-Philippe, en 1836, d’après les dessins de Chalgrin.