M. de la Guyomarais reconnut la voix du marquis : il se hâta de se vêtir, tandis que les domestiques David et Robin, qui couchaient dans la cuisine, réveillés par le bruit, ouvraient la porte sur l’ordre de leur maître et conduisaient les chevaux à l’écurie, après avoir détaché de la selle du marquis une petite valise de cuir noir et sorti des arçons deux pistolets.
La Rouerie et ses compagnons, qui n’étaient autres que Loisel et Saint-Pierre, entrèrent dans la maison. Le marquis était couvert d’un vieux chapeau, vêtu d’une veste ouverte sur un gilet à large ceinture et chaussé de bottes fines ; sa barbe noire était longue : il était trempé, couvert de boue et tout meurtri ; son front portait une large ecchymose. Il serra les mains de M. de la Guyomarais, s’excusa de faire de nouveau appel à son dévouement ; lui dit que, se rendant à Quessoy, près de Mont-contour, il s’était vu refuser la porte d’une maison amie où il avait espéré passer la nuit. Comme il avait pris à travers la lande pour gagner la Hunaudaye où il comptait se reposer dans quelque hutte de bûcheron, son cheval s’était abattu et avait roulé avec lui dans un fossé boueux. M. de la Guyomarais conduisit le marquis à une chambre du premier étage, voisine de celle qu’il occupait. Cette pièce, dont la porte ouvrait sur un corridor, donnait, par une seule fenêtre, sur le potager : elle contenait deux lits : l’un placé à gauche de l’entrée, l’autre dans une vaste alcôve dallée de briques. La Rouerie et Saint-Pierre s’établirent là : Loisel alla dormir dans une autre partie du château.
Le lendemain, Saint-Pierre ne put se lever ; l’excès de fatigue, la pluie glacée, avaient occasionné un refroidissement ; il s’évanouit plusieurs fois dans la journée et souffrait de violens maux de tête. Comme il lui était impossible, en cet état, de remontera cheval, il fut décidé que le marquis attendrait au château le rétablissement de son domestique ; Loisel partit donc seul avec les chevaux et se chargea d’inviter, en passant à Plancoët, le chirurgien Morel à venir à la Guyomarais. L’indisposition de Saint-Pierre ne dura, d’ailleurs, que peu de jours ; le marquis le soigna avec sollicitude : il ne quittait guère la chambre du malade et ne descendait que pour prendre les repas en commun avec la famille la Guyomarais. Devant ses enfans et ses gens, le maître de la maison n’appelait jamais son hôte que du pseudonyme de Gasselin, sous lequel il s’était présenté chaque fois qu’il avait cherché refuge au château ; les domestiques devinaient, aux