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I. — LA DÉCLARATION DE GUERRE ET LES ARMEMENS EN COURSE

Il est impossible de ne pas remarquer d’abord que les Etats-Unis ont ouvert les hostilités sans déclaration de guerre préalable, dès que le gouvernement espagnol eut connu l’ultimatum par lequel ils exigeaient l’évacuation de Cuba dans un délai de trois jours. Il est vrai que ce gouvernement avait remis immédiatement, sans attendre la signification de l’ultimatum, ses passeports à l’ambassadeur américain ; mais on sait que l’interruption des rapports diplomatiques ne crée pas l’état de guerre. Cependant la marine militaire des Etats-Unis captura sur-le-champ et sans autre forme de procès plusieurs navires marchands espagnols. Pour dissiper toute équivoque, le Sénat et la Chambre des représentans votèrent une résolution conjointe qui fut signée par le Président et promulguée le 25 avril : « La guerre existe ; elle est par ces présentes déclarée exister et elle a existé depuis le 21 avril 1898, ce jour inclus, entre les États-Unis d’Amérique et le royaume d’Espagne. » Mais a-t-il pu dépendre du Congrès de donner un effet rétroactif à cette résolution ? Il nous paraît très douteux que les cours de prises américaines valident de telles saisies opérées dans cette première période de cinq jours et, quand elles les valideraient, leurs arrêts ne seraient pas sanctionnés par l’opinion du monde civilisé. La pente est glissante et dangereuse. A quelles extrémités n’arriverait-on pas si l’on pouvait faire dater l’état de guerre, par un effort d’imagination législative, d’une époque où l’on était encore en pleine paix ? Les parlemens sont tout-puissans, si ce n’est quand il s’agit de faire remonter les fleuves vers leur source et de modifier après coup la nature des faits accomplis.

Cependant, dès le 14 avril, les journaux anglais avaient annoncé que le gouvernement des Etats-Unis ne délivrerait pas de « lettres de marque » pendant la guerre hispano-américaine. Ces journaux étaient bien informés. Un nouveau télégramme, daté du 21 avril, informa l’Europe que ce gouvernement, sans renoncer à chercher des auxiliaires dans la marine marchande, et tout en armant, par exemple, comme croiseur le paquebot-poste Paris de l’American line, ne se proposait pas d’employer des corsaires : cette détermination fut notifiée à toutes les puissances.

Il est à peine utile de rappeler au lecteur ce qui distingue la