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dissemblables, et enfin aucune ombre, du moins apparente, sur la vie.

Le défaut de cette large disposition de la lumière tombant de haut, écrasant sa gerbe sur le front du modèle et rejaillissant également autour de lui, c’est qu’on ne peut rien cacher, et dans certains portraits, — notamment dans ceux des militaires, — le clinquant des accessoires tire l’œil aux dépens du relief de la physionomie. On raconte qu’Ingres, faisant le portrait du Duc d’Orléans, insista pour que son costume de général fût sans broderie aucune et excita l’hilarité du prince en demandant si l’on ne pourrait pas remplacer les boutons de métal par des boutons en étoffe. Qu’on regarde le portrait d’officier suédois, par M. Hagborg, tout rutilant de galons jaunes et de boutons d’or, et l’on trouvera qu’Ingres n’avait point si tort et qu’il n’y avait pas, en l’écoutant, de quoi tant rire. On fera une observation semblable en examinant le portrait du général Davout, de M. Bonnat, où l’éminent artiste a fait entrer le plus possible d’accessoires éclatans, qui enlèvent à la tête les deux tiers de son relief. Et si l’on veut la contre-épreuve, qu’on se place devant l’ Astronome de M. Roybet, cette admirable collection de portraits d’artistes par le peintre le moins psychologue, mais le plus peintre de notre temps. Qu’on note combien tout accessoire brillant a été écarté, toute fantaisie des costumes sacrifiée, tout jeu de lumière interdit qui ne servait point à faire sortir, de la nuit des vêtemens, les lumières des têtes. Et combien, pour tout homme véritablement sensible à la belle matière d’une peinture forte, savoureuse et libre, il y a de beauté dans toutes ces figures d’astronomes qui sont peut-être de faux astronomes, mais bien de vrais artistes et qui connaissent les moindres effets et les « passages » de la lumière sur la terre, s’ils ne sont pas avertis de la marche de toutes les lumières du ciel !

De quelle couleur est la lumière ? Chez M. Courtois, elle est jaune ; chez M. Hamilton. elle est bleuâtre ; chez M. Kroyer, elle est rouge. Autrefois, le point lumineux d’un objet était doré. Aujourd’hui, il est entendu qu’il est bleu ; — tous les jeux de lumière sur les arêtes des meubles dans un appartement sont figurés avec du bleu ; — demain, on lui trouvera peut-être une autre couleur et l’on décidera que les précédentes étaient de la convention. Rien n’était de la convention. La lumière chaude du soleil, filtrée à travers des rideaux, le soir surtout, au moment où île rayon traverse des régions atmosphériques plus voisines du sol