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fournit des renseignemens absolument précis, dans d’autres, au contraire, elle laisse quelque indécision dans l’esprit. On comprend donc que les cultivateurs aient recours, pour se guider dans l’acquisition des engrais, à l’expérimentation directe sur le sol. Elle a été régularisée sous le nom d’ « analyse par les engrais incomplets ». On trace, sur un champ bien homogène, des parcelles d’un are d’étendue, et pour ne pas s’exposer à attribuer à l’influence des engrais répandus les surcroîts de récolte qui peuvent être dus à des causes toutes différentes, telles que la profondeur de la couche arable, ou le passage d’eaux souterraines, on s’astreint à répandre le même engrais analyseur sur deux parcelles éloignées l’une de l’autre. Elles sont soumises exactement aux mêmes travaux, elles sont ensemencées le même jour, avec des poids égaux des mêmes graines. Veut-on décider, par exemple, si l’acquisition des sels de potasse est avantageuse ? on répandra sur deux parcelles 2 kilogrammes de chlorure de potassium, correspondant à 200 kilogrammes à l’hectare, et on laissera deux autres parcelles sans cette addition. Habituellement, quand on apporte à un sol un élément qui lui fait défaut, l’expérience parle d’elle-même, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à la pesée de la récolte. Supposons, ce qui arrive bien souvent, que les parcelles qui ont reçu le chlorure de potassium n’aient donné qu’une récolte semblable à celle des terres qui en ont été privées, on en pourra conclure que la potasse assimilable ne fait pas absolument défaut. Cette expérience ne prouve pas cependant encore, que l’acquisition des engrais de potasse ne serait pas avantageuse. La faible récolte, obtenue sur les parcelles qui n’ont reçu que du chlorure de potassium, n’a utilisé que les nitrates formés spontanément dans le sol et les phosphates assimilables qui y étaient renfermés. Si on avait répandu une bonne dose de nitrates, additionnée de superphosphates, la récolte fût devenue plus forte, et rien ne prouve, avant l’expérience directe, que la potasse, suffisante pour alimenter une faible récolte, aurait été capable de soutenir une végétation beaucoup plus vigoureuse. On ne sera donc convaincu de l’inutilité des engrais de potasse qu’autant qu’on aura obtenu des récoltes semblables de parcelles qui auront reçu : les unes, nitrate de soude, superphosphate et chlorure de potassium ; les autres, nitrate de soude et superphosphates seulement. Si cet engrais incomplet fournit les mêmes rendemens que l’engrais complet, la preuve est faite.