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Quand on traverse, par exemple, la partie du département de la Marne, désignée sous le nom de Champagne pouilleuse, qu’on voit de vastes espaces déserts parcourus par quelques bandes de moutons qui broutent une herbe rare et courte, il n’est pas besoin de fouiller pour être certain qu’on se trouve sur un sol absolument perméable, où l’eau s’infiltre dans les profondeurs. Souvent on ne tire parti de ces sols secs qu’en les boisant d’arbres résineux dont les aiguilles dépensent peu d’eau par leur transpiration. Si, par place, le calcaire devenant marneux retient un peu d’eau, et que des puits suffisans pour les besoins de la ferme puissent être creusés, on cherche à diminuer la perméabilité du sol en y accumulant autant de fumier qu’on en pourra produire, afin d’augmenter les proportions d’humus et, par suite, l’approvisionnement d’eau. On distribue, en outre, des sels de potasse, car, habituellement, cette base fait défaut dans les sols calcaires.

Quand l’aridité qu’entraîne l’extrême perméabilité du sol et du sous-sol est moins complète, mais qu’il faut cependant encore boiser pour tirer parti du terrain, on peut joindre aux arbres résineux des bouleaux, des charmes ou des tilleuls. C’est ce qui a été fait dans les parties sablonneuses de la forêt de Chantilly, léguée par M. le Duc d’Aumale à l’Institut de France. Le sol y est formé d’une terre légère reposant sur un calcaire fendillé ; aussi l’eau y est-elle rare et, pour conserver les faisans, est-on obligé de disposer dans les massifs des baquets remplis d’eau. La végétation forestière n’atteint jamais dans ces sols arides la puissance qu’elle montre dans des terres plus humides.

Les terres légères filtrantes pâtissent par manque d’humidité ; si elles peuvent être arrosées, leur principal défaut disparaît et on en tire grand profit. Les prairies montagneuses des Vosges reçoivent, sans inconvénient, d’énormes quantités d’eaux d’arrosage ; précisément parce qu’elles s’infiltrent avec facilité dans le sous-sol. L’emploi de ces grandes masses de liquide exige cependant beaucoup d’habileté pour conduire l’eau partout sans la laisser séjourner nulle part.

C’est surtout quand le sous-sol est perméable que l’épaisseur de la couche arable exerce une influence décisive sur la fertilité. Le domaine de Grignon, où est établie l’École nationale d’agriculture, en fournit un exemple frappant. La propriété comprend les deux flancs et le fond d’une vallée ; le sous-sol de calcaire grossier, très filtrant, est recouvert par une terre franche un peu légère ; or,