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sur les deux pentes des coteaux ravinés par les pluies, la terre végétale ne forme qu’une mince couche au-dessus du calcaire ; aussi les parties boisées ne portent-elles qu’une végétation chétive : des acacias, des ailantes, des merisiers, quelques arbres verts ; plus bas, un banc d’argile, coupé au moment de l’érosion de la vallée, arrête les eaux du plateau et donne naissance à plusieurs sources ; aussitôt, la végétation devient puissante : les hêtres, les platanes, les ormes atteignent de grandes dimensions.

Sur la partie des pentes mises en culture, le mince manteau de terre végétale, parfois déchiré, laisse voir le calcaire sous-jacent. Malgré de copieuses fumures sans cesse renouvelées depuis soixante ans, la perméabilité est extrême et les récoltes absolument à la merci des saisons : très médiocres pendant les années sèches, elles deviennent passables quand les pluies sont abondantes, et il n’y a pas lieu de s’en étonner ; mais il est intéressant de constater que l’influence du sous-sol perméable se fait encore sentir dans les terres profondes du fond de la vallée. Il faut souvent creuser plus d’un mètre pour trouver le calcaire et cependant les rendemens varient encore avec l’abondance des pluies. J’ai fait ma meilleure récolte de blé en 1888, année pluvieuse où la moisson a été retardée jusqu’au milieu d’août ; en 1889, année chaude et sèche où tout était terminé à la fin de juillet, le déficit sur l’année précédente a atteint un tiers. Pour obvier à la dessiccation qu’amène la nature du sous-sol, il faut toujours employer le fumier de ferme ; si on essaie de le remplacer par des engrais chimiques, l’échec est complet ; le mode de culture à suivre est ainsi dicté par la nature du sous-sol. Sa proximité exerce, en outre, une influence marquée ; il est telles parcelles du champ d’expériences qui donnent des récoltes plus faibles que d’autres, parce que l’épaisseur de la couche arable y est moindre.

Il est facile de concevoir qu’il en soit ainsi ; une terre franche comme celle du champ d’expériences est formée d’une multitude de petits agrégats de sable, d’argile, de calcaire et d’humus, laissant entre eux des espaces, dans lesquels s’infiltre l’eau de la pluie ; elle ne séjourne pas à la surface, mais au contraire, descend lentement, partiellement retenue au passage par l’attraction capillaire qu’exercent les molécules de terre ; on trouve habituellement, en effet, de 15 à 18 centièmes d’humidité suspendus dans le sol, sur toute sa hauteur, et on comprend que l’approvisionnement d’eau