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ou moins défians, plus ou moins susceptibles, plus ou moins irritables même. Mais, en ayant toujours raison, en étant toujours décidés à ne pas ménager les perturbateurs et à être les plus forts, nous le serons toujours, et sans autre effort que celui de ne pas prendre trop promptement l’alarme, de ne pas considérer comme un mal ce qui n’est qu’un symptôme, et de ne pas nous laisser troubler ou intimider, encore moins décourager par un peu de bruit, résultat inévitable du droit qu’ont tous les braillards de crier, et tous les intrigans d’intriguer.

« Les élections doivent nécessairement produire de l’agitation ; en Angleterre, elles sont un vrai moment de crise. Il est évidemment fâcheux pour nous que cette crise se renouvelle tous les ans, et la forme anglaise est bien supérieure à la nôtre. Je n’y fais plus de doute. J’étais de l’opinion contraire, il y a un an ; l’expérience m’a fait changer, et je crois qu’il sera fort important de revenir un jour sur ce point, si jamais on peut s’occuper d’amélioration de la Charte, ce dont je doute, du reste. »

Cette curieuse lettre méritait d’être citée, moins encore parce qu’à côté d’une part d’illusions, elle contient une grande part de vérité que parce qu’elle expose le système politique adopté par Decazes avec l’agrément du roi et qu’il résume en deux mots : monarchie libérale. Ce système, au surplus, était, depuis trois ans, celui de Richelieu. Mais, tout en le pratiquant avec non moins de loyauté que de courage, il ne croyait à son efficacité qu’autant que tous les royalistes, même les ultras, l’approuveraient et s’y rallieraient. Pratiquée sans eux ou contre eux, c’était un pis aller. Il conservait donc l’espoir de le changer un jour, tandis que Decazes, soutenu par le Roi, y persévérait.

Ce besoin de se rapprocher des ultras, et par conséquent de Monsieur, devenait de plus en plus impérieux dans l’âme chevaleresque du président du Conseil. Lorsque, après l’ordonnance royale qui avait dépouillé le Comte d’Artois de l’autorité souveraine qu’il exerçait sur la garde nationale, Richelieu se fut assuré que le prince se soumettait et se résignait, il pensa que l’heure était opportune pour tenter ce rapprochement qui, maintenant, lui semblait indispensable. Monsieur avait d’abord manifesté l’intention de protester publiquement contre l’ordonnance, puis renoncé à ce dessein, à la prière du Roi, d’une part, et, d’autre part, à la suite de deux démarches faites auprès de lui par le baron de Vincent, ambassadeur d’Autriche à Paris. Quelques jours plus tard, un