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démission sans esprit de retour et, sur le conseil de Decazes et de Pasquier, le général marquis Dessoles, membre de la Chambre des Pairs, qui n’avait tenu jusque-là dans la politique qu’un rôle secondaire, fut chargé de former le cabinet. On sait qu’aussitôt, il y appela Decazes et que, celui-ci ayant refusé d’y rentrer, le Roi lui en donna l’ordre.

L’ordonnance royale, portant nomination du nouveau ministère, parut le 31 décembre. Elle nommait le général Dessoles président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, de Serre garde des Sceaux, Decazes ministre de l’Intérieur, le maréchal Gouvion-Saint-Cyr ministre de la Guerre, le baron Louis ministre des Finances et le baron Portai ministre de la Marine. Le ministère de la Police était supprimé.

Le 31 décembre, le Roi mandait à Decazes :

« Le comte de Nesselrode sort d’ici, mon cher fils. Je lui ai exprimé le regret profond que me cause la retraite du duc de Richelieu. Puis, je lui ai raconté en peu de mots ce qui s’est passé. Il le savait… Il m’a dit que ce qu’il y aurait eu de mieux eût été que l’ancien ministère restât tel qu’il était, que le duc de Richelieu et Decazes étaient invincibles. Il a ajouté que la maladie du duc de Richelieu a causé tout le mal ; l’irritation de ses nerfs lui a fait faire bien des choses qu’il n’aurait jamais faites sans cela. Nous avons parlé du ministère actuel. Il ne m’a pas dissimulé les préventions de l’Empereur contre le Maréchal, fondées sur la crainte qu’il ne veuille détruire la Garde royale. J’ai défendu le Maréchal et j’ai assuré que, s’il donnait dans quelques erreurs, je saurais bien défendre ma Garde. »

Tels furent les dessous de cette mémorable crise de 1818, qui mit fin au plus grand ministère qu’ait eu la Restauration. Un extrait des Souvenirs personnels de la duchesse Decazes en complétera le récit :

« J’entendais tout autour de moi parler du changement des ministres, dit-elle. Tantôt, c’était le duc de Richelieu qui s’en allait avec plusieurs de ses collègues, tantôt M. Decazes qui partait et le duc qui restait. J’aurais bien préféré que nous nous en allions… Le lendemain du dîner auquel avaient assisté MM. Molé et Pozzo di Borgo, mon mari, après déjeuner, au moment d’aller au Conseil, me dit que le changement du ministère était décidé et que nous étions envoyés à Saint-Pétersbourg.

« — J’aurais préféré rester tranquillement à la Grave, ajouta