rentrant, il ne voulut ni profiter d’un malheur politique pour faire une bonne affaire, ni disposer, pour satisfaire une coquetterie d’enfant, de l’argent que le Roi distribuait en secours et en gratifications. Je n’eus donc pas le collier. Je le regrettai quelque temps ; puis, je n’y pensai plus. »
Les diamans furent rendus à la duchesse. Mais elle obtint la grâce de son mari, qui fut autorisé à rentrer en même temps que le général Exelmans et d’autres exilés : « Quand ils furent de retour, M. Decazes offrit à dîner à une partie d’entre eux. J’ai gardé le souvenir de quelques-unes de ces figures : Cambacérès était très laid, un vilain petit visage, une perruque plate serrée sur la tête. Il faisait maigre, ce qui me parut contraster étrangement avec sa vie passée. M. de Ségur avait une jolie figure de jeune vieillard. Ses cheveux très blancs surprenaient. Le duc de X… avait une belle tête, mais pas l’air spirituel. Il me parut un peu trop gros. »
Les services que Decazes se plaisait à rendre aux anciens serviteurs de l’Empire n’étaient pas pour le réconcilier avec les membres de la famille royale. C’est encore dans les notes de la duchesse que nous trouvons les preuves de la persistance et de la vivacité de leurs efforts pour perdre Decazes dans l’esprit du Roi.
« Le comte Jules de Polignac avait accordé la plus aveugle confiance à un ancien agent de la police renvoyé par M. Decazes. Cet agent lui dit un jour qu’il lui prouverait bientôt que le ministre de l’Intérieur trahissait le Roi en correspondant secrètement avec des membres de la famille impériale, à qui il conseillait de ne pas se décourager. Et en effet, d’accord avec un autre agent que Monsieur entretenait en Autriche, ce misérable feignit de s’être fait expédier par lui des lettres compromettantes soi-disant dérobées à leurs destinataires. En réalité, il les avait lui-même fabriquées. M. Decazes, ayant eu vent de cette machination, avait pu en avertir le Roi. Mais Monsieur en fut bel et bien la dupe et, mis en possession de ces lettres, il les apporta triomphalement à son frère comme des preuves de la trahison du ministre de l’Intérieur. Il fut fort penaud quand le Roi lui en eut révélé l’origine et le caractère et quand, en une brève explication, M. Decazes eut confondu ses calomniateurs. L’affaire allait être mise entre les mains de la justice. Mais on dut renoncer à poursuivre, par crainte du scandale qu’aurait nécessairement