Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

constitué. Au moment où sa formation définitive n’était plus qu’une affaire d’heures, le Duc d’Angoulême, revenant de Fontainebleau, se présenta chez le Roi pour avoir des nouvelles. Il n’ignorait pas que les ministres désiraient l’associer plus étroitement que ne l’avaient fait leurs prédécesseurs à la direction des affaires militaires. Ils espéraient, en agissant ainsi, s’assurer le bon vouloir de Monsieur.

« Je lui ai raconté où nous en sommes, mande le Roi à Decazes. Pour ce qui le regarde, il m’a demandé, quand nous serions décidés, de lui accorder vingt-quatre heures de réflexion et ensuite de lui dire ce qu’il pourrait dire à son père. Je crois que tu ferais bien de le voir d’abord après l’accouchement. »

Le lendemain, le Moniteur publiait l’ordonnance royale qui apprenait à la France, avec les noms des nouveaux ministres, que le gouvernement venait de donner un fort coup de barre à droite. C’est encore la correspondance de Louis XVIII qui nous livre le fond de son cœur et nous révèle à quelles perplexités il était en proie, au moment où s’opérait ce grand changement et où « son fils » entrait dans une voie nouvelle, bien obscure encore et semée de périls : « Le Roi a lu le Moniteur avec joie ; ton bon père a signé l’ordonnance en tremblant ; tu connais l’estime de l’un, la tendresse de l’autre, la confiance de tous les deux. Elle ne te manquera jamais. Reçois-en le gage dans l’embrassement que je te donne du fond de mon cœur… » Et en Post-scriptum : « Je suis comme Phocion : l’hilarité que j’ai trouvée dans ton oncle (le Comte d’Artois) et la Duchesse d’Angoulême me fait craindre que nous n’ayons fait une sottise. »


ERNEST DAUDET.