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PRÉTEXTAT, se levant de son siège.

Dieu puissant !

FRÉDÉGONDE.

Droit au cœur, je frappai la Galswinthe !
Elle mourut sans un soupir, sans une plainte !

PRÉTEXTAT, dans un cri presque involontaire.

Qui donc es-tu ?

FRÉDÉGONDE.

Je suis… la femme au cœur contrit
Qui demande un pardon promis par Jésus-Christ.

PRÉTEXTAT, debout, et jetant sur Frédégonde un regard plein de doute et de terreur.

(A part.)
Non ! la reine, en ces lieux ? à mes pieds ?… Impossible !
C’est l’un de ses suppôts, qu’un repentir terrible
Écrase à mes genoux, sans doute !

FRÉDÉGONDE.

Je poursuis.

PRÉTEXTAT, reprenant sa place.

Seigneur, soutenez-moi dans le trouble où je suis.

FRÉDÉGONDE.

Dans la nuit du Palais, à peine si Galswinthe
S’était, comme un flambeau, silencieuse, éteinte,
Qu’un vengeur, Sighebert, le frère de ton roi,
— Ah ! j’en frémis encor de colère et d’effroi !
Rassemble autour de lui les hordes germaniques,
Et, dans un ouragan de chevaux et de piques,
Tombe sur la Neustrie !… En deux affreux combats,
Le farouche Austrasien écrase nos soldats ;
Tout fuit ! Quand, à Tournai qu’il assiège et va prendre,
Un poignard, dans sa tente, un matin vient l’étendre !
( Mouvement de Prétextat).
Sighebert, en mourant, accuse un nom tout bas…
Ceux qui savaient… ont dit qu’il ne se trompait pas !

PRÉTEXTAT.

Horrible ! Mon esprit à t’écouter s’égare !

FRÉDÉGONDE.

J’ai tué Sighebert, l’allié du barbare !