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 PRÉTEXTAT.

Toi qui frappes les rois de ta main détestable,
Qui donc es-tu ?

FRÉDÉGONDE.

Je suis… une femme coupable,
Que le remords prosterne à vos genoux sacrés…
Écoutez jusqu’au bout, après vous jugerez.

PRETEXTAT.

Quoi ! Ta confession n’est donc pas achevée ?

FRÉDÉGONDE.

Prétextat aime-t-il toujours son Mérovée ?

PRÉTEXTAT, se levant brusquement.

Mérovée…

FRÉDÉGONDE.

Il respire… encor, rassurez-vous !

PRÉTEXTAT, terrifié.

C’est elle !

FRÉDÉGONDE.

Cependant, comme il a contre nous
Osé commettre un jour cette faute sévère
De naître sur le trône et du sein d’Audovère,
Il peut se faire, étant bonne mère, et songeant
A protéger mes fils contre un destin changeant,
Que je décide, avant que son ombre nous gêne.
Qu’il est temps de couper au pied ce jeune chêne !
S’il en était ainsi, — ce qu’on peut croire, hélas ! —
Puisqu’il respire encor, ne penserais-tu pas,
Sachant ce que tu sais et ce que je réclame,
Que le jour est venu de prier pour son âme ?

PRÉTEXTAT.

Ah ! que dis-tu ?

FRÉDÉGONDE, éclatant.

Je dis qu’il va mourir ! — Je dis
Que bientôt son corps pâle et ses membres raidis,
De son cheval de guerre où sa fierté s’étale,
Seront jetés sanglans dans la nuit sépulcrale.
Ce que je dis ?… Je dis que, pendant que des voix,
Du fond de nos palais, des chaumières, des bois,