quel besoin mystérieux purent bien avoir l’excellent Delavigne et le vénérable Doucet de recourir à la cadence de l’alexandrin pour exprimer des pensées de cette grâce ou de cet éclat :
- Doyen des receveurs dans ce département,
- J’y perçois les deniers d’un arrondissement ;
ou bien :
- Léon, je te défends de brosser ton chapeau !
Le cas de M. Jean Aicard paraît plus étrange encore, étant plus récent. Je crois que, au bout du compte, s’il a cru devoir prêter aux familles d’Estrey et Lebonnard le langage des dieux, il y a été conduit, non seulement par un préjugé atavique, mais par l’instinct de son Midi chanteur, et aussi par le plaisir, puéril mais respectable, de vaincre sans aucune nécessité des difficultés purement gratuites. À moins que, au contraire, la difficulté n’ait été pour lui de s’exprimer en prose, et qu’il n’ait choisi le vers comme plus aisé.
J’imagine que Papa Lebonnardo, étant en prose, doit être fort supérieur au Père Lebonnard.
M. Novelli a joué avec une rare puissance le rôle du vieil horloger évangélique. Il ne nous a pas moins émus dans la Morte civile, vieille comédie habile et attendrissante, histoire d’un bon forçat qui, rentré dans sa ville après douze ans de bagne, n’ose déranger le bonheur de sa femme et de sa fille retrouvées, et meurt pour les débarrasser. M. Novelli est un grand artiste, égal peut-être en talent, et supérieur en variété et en souplesse, à tout ce que nous avons de mieux chez nous. Il a au plus haut point la vérité et la simplicité. Mais c’est la simplicité et c’est la vérité d’un peuple gesticulateur. À cause de cela, son admirable jeu nous parait expressif à l’excès, habitués que nous sommes à la discrétion des Worms, des Mayer et des Guitry. Le jeu italien admet une mimique plus développée et plus insistante que la nôtre ; et cela d’abord nous émerveille, puis nous fatigue un peu. Ce n’est point une critique que je fais, mais une constatation,
Les Escholiers ont représenté la Confidente, pièce en trois actes, de M. André Picard. En voici le sujet, réduit à l’essentiel :
Marthe Auxelles, veuve, trente-deux ans, est une de ces femmes qui sont nées pour la charité, non pour l’amour. Elle se dépense paisiblement et magnifiquement en bonnes œuvres ; jouit avec un innocent orgueil de se sentir nécessaire à tant de gens ; jouit même (très bien vu, ceci) de l’importance qu’on lui reconnaît et des témoignages que lui vaut sa bienfaisance publique. Mais enfin, elle est bonne,