même, à dix-sept, dix-huit ou vingt têtes, étant admis à l’égalité et à la souveraineté tous les peuples de toutes les races ? Mais il ne serait pas non plus impossible que, de cet empire brisé en trop de morceaux, une des grosses pièces, la Hongrie, se détachât. Fiers de leur passé, forts de leur présent, les Magyars referaient-ils alors au rebours le chemin suivi par leurs pères, et comme jadis ils vinrent chevauchant vers l’ouest, peut-être, aujourd’hui, iraient-ils, chevauchant vers le midi et vers l’orient, à travers la Bulgarie, la Serbie et la Roumanie, dans le dédale des Balkans, à la conquête d’un avenir ? — C’est la dernière hypothèse, la plus hardie, celle où la Hongrie deviendrait, un peu plus au sud et un peu plus à l’est, sur le moyen et le bas Danube, le noyau d’un nouvel État de premier ordre. Bien des causes, toutefois, paraissent concourir à rendre cette hypothèse irréalisable : grand rêve qui, sans doute, ne sera jamais qu’un rêve.
Hypothèse irréalisable, tout d’abord parce que les Hongrois eux-mêmes n’en désirent pas la réalisation. De son plein gré et tant qu’elle pourra faire autrement, lui en dût-il coûter, la Hongrie ne se séparera pas de l’Autriche : il faudrait qu’elle en fût violemment ou artificieusement arrachée. Il n’est pas un homme politique à Budapest, — il n’en est dans aucun parti, — qui ne regarde cette séparation comme un malheur, non point assurément par amour de l’Autriche, que personne n’aime, mais par amour de la Hongrie, que tout Magyar adore et exalte, en obéissance à ce sentiment si général que l’on peut dire de tout Hongrois qu’il a le sens de l’État magyar et de la nation magyare. Ce qu’il adviendrait de l’Autriche réduite à elle seule, ce n’est pas de cela surtout que se préoccupent les Szilagyi, les Tisza, les Andrassy, tous ceux qui veulent maintenir et renouveler le Compromis, bien qu’il ne puisse leur être indifférent de voir soit l’Autriche se slaviser, soit les parties allemandes de l’Autriche aller à la Grande Allemagne et, des autres parties, se constituer, autour de la Hongrie, encore un État ou encore des États slaves. Mais ce qui fait l’objet de leurs soucis, c’est ce qu’il adviendrait de la Hongrie sans l’Autriche. L’Autriche est nécessaire à la Hongrie, entre autres choses, pour se défendre du slavisme qui l’environne et l’enveloppe : n’eussent-elles que celui-là, l’Autriche et la