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à l’anglification. Le nombre des protestans augmente toujours dans le Manitoba ; Ottawa est anglais, Montréal le devient à moitié. Notre conscience ne nous permet pas d’envoyer nos enfans à des maîtres qui… Tenez, pour vous donner une idée du mauvais enseignement des écoles dites nationales, pendant des siècles n’est-ce pas, il a été admis sans conteste que le Canada avait été découvert par Cartier ? Eh bien ! on veut maintenant que ce soit Sébastien Cabot ; et on fait de Cabot un Anglais, sous prétexte qu’il est né à Bristol,… ce qui n’est pas exact !

— Au fond, vous êtes donc hostiles à la domination anglaise ?

— Nous n’avons garde ! Le Canada est redevable à l’Angleterre de progrès qui eussent été impossibles sous le régime français avec ses gouverneurs, ses intendans, tout cet excès d’administration qui arrêtait l’élan personnel. Mais cela n’empêche pas que les écoles…

Si un libéral se mêle à la conversation, il prouve qu’on ne peut pourtant pas, dans les villages lointains de l’Ouest, fonder une école catholique spéciale pour un groupe infime d’enfans ; leur curé est autorisé d’ailleurs à les instruire dans l’école même[1]. — Et la discussion éclate, s’envenime jusqu’au moment où les deux adversaires tombent d’accord sur ce point que le Canada arrivera tôt ou tard à posséder sa complète autonomie, en vertu des facilités que l’Angleterre accorde avec une admirable sagesse à ses colonies pour marcher sans lisières en se passant d’elle.


II

J’ai dit que l’instruction de toutes les classes de la société en Canada français avait été depuis l’origine et qu’elle est encore exclusivement entre les mains du clergé. Les premiers éducateurs furent les jésuites, dont le collège fondé en 1633, avant même l’université de Harvard, ce berceau de la science aux États-Unis, eût mérité de rester debout, ne fût-ce qu’à titre de monument historique. Il a été démoli cependant, après sa transformation en caserne par les Anglais, et on ne peut plus que deviner la place qu’il occupait en face de la basilique. Les deux séminaires de Québec

  1. Le premier ministre du Dominion et le clergé catholique paraissent être arrivés depuis peu à une entente sur cette question épineuse et tant débattue. Il faut espérer que l’intervention du Souverain Pontife, le grand pacificateur de notre siècle, aura été une fois de plus efficace.