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maisons de Québec et bien souvent aussi à Montréal, se trouve accroché un écriteau où vous lisez en lettres peintes : Un tel, avocat. Ce qui vous donne une idée formidable des procès dont tant de monde peut vivre, procès hérités sans doute d’un vieux fond de chicane normande.

Parlons sérieusement, ce fut à de grands avocats qui étaient en même temps de grands patriotes, les Papineau, les Lafontaine, les Parent, les Morin et d’autres encore, que le Canada dut les concessions arrachées une à une au gouvernement anglais, après la terrible période de conquête et de répression, durant la grande lutte parlementaire qui dura quarante-cinq ans. En 1840, l’héritage des ancêtres semblait condamné à périr ; ces hommes, par la seule force de la parole, obtinrent le rétablissement du français comme langue officielle, la responsabilité du ministère devant les Chambres, l’abolition de la tenure seigneuriale, le gouvernement autonome, pour ce qui concerne les intérêts particuliers de la province de Québec, les prérogatives enfin qui ont rendu aux Canadiens leur part d’influence dans les affaires du pays, influence dont l’élévation de Wilfrid Laurier au rang de premier ministre est l’important et significatif résultat. Dans ce temps-là, il n’y avait qu’un parti étroitement uni, celui des patriotes ; malheureusement la division s’y est glissée ; c’est là un péril pour l’avenir. La tendance funeste des politiciens d’aujourd’hui est de ramener sur le tapis une de ces questions qui semblent définitivement réglées, celle des écoles, écoles confessionnelles et séparées. Ils sont là-dessus ombrageux à l’excès. J’en ai eu la preuve chaque fois, que le hasard m’a mise en rapport avec ceux qu’on nomme bleus ou castors. Tout prétexte leur est bon pour lancer cette pomme de discorde : les fameuses écoles du Manitoba ! Etre libéral ou conservateur cela signifie au Canada avoir pris parti pour ou contre le compromis Laurier. Laurier s’était engagé à défendre les écoles catholiques et, voilà le grief, il a consenti à une transaction !

— Vous n’allez pas accuser celui-là pourtant, leur disais-je, lui, votre grand homme qui a procuré aux Canadiens français l’avantage inespéré de voir un des leurs monter au premier rang et qui jette de si haut le poids de sa parole dans les conseils de la puissance ? Songez à ce qu’il a déjà fait pour votre commerce, à l’éclat dont il vous revêt devant l’Europe entière.

— Sans doute, mais il avait promis de défendre notre droit, qui est d’avoir des instituteurs à nous. C’est le seul moyen d’échapper