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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/348

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la retient dans un cours inférieur d’arithmétique ; mais aucune élève ne passe d’un cours à un autre sans y être devenue suffisamment forte. Une grande fille peut demeurer avec les plus petites sur tel ou tel point, tandis que pour le reste elle est presque arrivée à la fin de ses huit années d’études. Cela suppose un nombre restreint d’élèves et beaucoup de professeurs.

« Notre mode d’enseignement, m’expliquent ces dames, est le mode concentrique. Il fait converger vers un but unique, qui est la connaissance de la langue, toutes les différentes matières, objets de cours particuliers ; de sorte que chacun de ces cours devient un cours de langue : explication approfondie de tous les mots employés avec leurs sens différens. Par ce moyen, le cours de langue proprement dit est à son tour l’occasion d’une foule de connaissances scientifiques, sociales et morales. Un mot dans une dictée ou dans une lecture raisonnée donnera lieu, par exemple, à une petite leçon de philosophie ou d’histoire naturelle, ou d’histoire politique, à des notions de chimie, de physique, de bienséance, etc., et souvent à l’étude de tous ces points à la fois par l’association des idées qui trouve naturellement sa place dans cette sorte d’enseignement à mesure que le vocabulaire de l’enfant s’augmente en produisant l’équilibre de ses facultés. »

Cette préoccupation de l’étude de la langue primant toutes les autres s’explique lorsqu’on a constaté la confusion que le proche voisinage- de l’anglais et du français produit souvent. Beaucoup de gens du monde disent par exemple, même sans savoir l’anglais, se donner du trouble pour de la peine, marier quelqu’un pour épouser, adresser une assemblée, n’être pas opposé, pour s’adresser à une assemblée, ne pas rencontrer d’opposition. Il est remarquable que les plus attentifs évitent, afin de ne pas tomber dans ce travers, tous les anglicismes qui ont souvent cours chez nous ; beaucoup d’entre eux ne veulent même pas de wagon ni de rail, ils préfèrent char et lisse. Peut-être y a-t-il là un autre genre de protestation. Pour ne pas accepter d’être traitées de streets, les rues de Québec s’annoncent par un seul mot : Palais, Parloir, Sous-le-port, Fabrique, etc.

Les religieuses de Sillery sont ardentes entre toutes à défendre l’intégrité du français. Elles pensent, en outre, développer le jugement de leurs élèves par la critique que celles-ci sont invitées à faire des compositions les unes des autres dans des réunions spéciales.