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I

Un officier allemand, le major Bauchrœder, publia à Hanau, en 1795, un Traité des Signaux, dans lequel il dit que la tour de Babel fut édifiée pour établir un centre de communication entre les peuples. L’assertion était hasardeuse. Il n’en est pas moins vrai que l’art des signaux est vieux comme le monde.

L’ancienne Grèce fut couverte de phares et de feux servant de signaux, le jour, par la fumée, la1 nuit, par leur éclat lumineux. Ces faits ont laissé derrière eux de nombreux témoignages. Annibal fit construire des tours d’observation en Afrique et en Espagne, donnant ainsi un exemple qui fut suivi par les Romains. Un bas-relief de la colonne Trajane montre l’installation d’un poste de signaux. Les Arabes et les Chinois connurent aussi ces procédés de communication. La télégraphie optique, remise en honneur de nos jours pour le service des armées en campagne, était pratiquée, dit-on, en Chine depuis des milliers d’années.

Robert Hooke inventa en 1664 un système de signaux formés de planches de diverses formes, dont la combinaison donnait certaines phrases. C’est le système sémaphorique, aujourd’hui en usage sur les côtes.

Quel chemin parcouru depuis la séance de la Convention où fut décrété l’essai de l’invention de Claude Chappe, à qui la troisième République a élevé une statue !

Les Chappe étaient cinq frères qui se vouèrent tous aux progrès de la télégraphie que Claude avait imaginée, et qui, successivement, furent administrateurs des lignes télégraphiques. Par une singulière ironie du sort et par une injustice à laquelle la politique des partis nous a, depuis longtemps, habitués, les deux derniers frères, René et Abraham, furent destitués lors de la Révolution de 1830, parce qu’ils avaient refusé de transmettre aux départemens les dépêches du gouvernement provisoire.

Aussi bien, pendant cette première période de la télégraphie, n’était-il venu à personne l’idée que le télégraphe pût être autre chose qu’un instrument de gouvernement. La généralisation de son emploi fut demandée, pour la première fois, en 1830, par un officier d’état-major, qui publia, à Montpellier, un mémoire, où il émit l’opinion que le télégraphe pourrait favoriser les transactions, s’il était mis à la disposition des particuliers. Cette idée parut si étrange