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opérations extrêmement délicates. Le moindre défaut peut rendre infructueuses des dépenses de plusieurs millions, dont on peut dire qu’elles sont véritablement suspendues à un fil. Il n’est donc pas de précaution minutieuse qu’on ne prenne au cours de la fabrication et de la pose.

La pose est, en particulier, un travail d’une nature exceptionnelle qui exige un matériel très compliqué. Elle entraîne l’application simultanée de la science de l’électricien et de connaissances nautiques approfondies. Elle doit être précédée d’une campagne de sondage destinée à dresser la carte de la région sous-marine dans laquelle le câble doit se dérouler, et à donner une idée, aussi exacte que possible, des reliefs et des dépressions que présente le fond de la mer.

L’amirauté anglaise a, depuis longtemps, fait exécuter des mesures de sondage, en vue, surtout, de la pose des câbles dont elle a eu, depuis l’origine, le monopole presque absolu. C’est par ses travaux qu’on a pu être renseigné, d’une façon assez précise, sur la variation des fonds qui s’étendent entre l’Angleterre et l’Amérique, dans la partie où repose un faisceau de douze câbles différens réunissant l’Europe au Nouveau-Monde.

Si l’Océan pouvait être desséché en cette partie, on verrait un sol uni, à pentes douces, pendant 360 kilomètres environ ; puis, un plateau, uniforme sur 1 600 kilomètres, à une profondeur de 4 à 5 000 mètres, formant une cavité, dans laquelle il serait possible de loger le Mont-Blanc ; puis, vers les rivages américains, une déclivité, en sens inverse de la première, sur près de 600 kilomètres. Une voiture pourrait, sans efforts ni obstacles particuliers, franchir cette distance.

Dans les parties où ils reposent sur les fonds, les câbles trouvent ordinairement un sol vaseux, formé d’une boue très onctueuse, dont des détritus coquilliers microscopiques constituent la substance. Cette vase est un abri excellent pour les câbles, qui s’y enlizent et y sont à l’abri de toute cause de détérioration.

Il n’en est pas de même ailleurs, en pleine mer, où les câbles ont de nombreux et terribles adversaires dans les animaux marins, baleines, requins, espadons, etc., qui les heurtent, les mordent et souvent arrivent à les détruire. On a cité le cas d’une baleine qui, dans le golfe Persique, se prit dans la boucle d’un câble, s’y enroula en s’y débattant et, prisonnière, finit par être dévorée par d’autres animaux.