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du retour du maître en Allemagne qui furent, peut-être, l’époque la plus sombre, la plus dure, la plus découragée de sa vie.

Il nous apprend, par exemple, que, dès novembre 1861, Wagner avait entièrement écrit, en prose, le livret des Maîtres Chanteurs. Il le récrivit en vers, durant les deux mois suivans, à Paris, où le prince de Metternich avait mis à sa disposition un pavillon au fond du jardin de l’ambassade d’Autriche. Mais Paris était trop coûteux, trop fiévreux aussi : et c’est à Biebrich qu’il composa la partition de son opéra. Il en composa d’abord l’ouverture, puis les premières scènes du premier acte, et ainsi de suite, procédant avec un ordre si méticuleux que pas une fois il ne voulut aborder une scène avant d’avoir entièrement fini la précédente. Au contraire de beaucoup d’autres musiciens, il ne pouvait composer qu’au piano ; jamais il n’écrivait une mesure avant de l’avoir jouée et rejouée ; M. Weissheimer raconte même qu’il avait fait placer sur son piano une sorte de pupitre, de façon à pouvoir noter d’une main les accords qu’il essayait de l’autre. Et ni le temps, ni la peine ne lui coûtaient pour mettre au point une sorte de première esquisse de sa musique, qu’il se bornait ensuite à transcrire avec tout le développement nécessaire, sans presque jamais en modifier le fond. C’est ainsi que non seulement l’ouverture des Maîtres Chanteurs fut esquissée en entier avant qu’une note fût écrite de la suite de l’opéra, mais M. Weissheimer assure qu’en l’instrumentant, plus tard, Wagner n’y fit pas le moindre changement. Cette page admirable naquit telle, du premier coup, que nous la connaissons aujourd’hui. Et que les wagnériens ne se fâchent pas de l’expression d’opéra, appliquée ici aux Maîtres Chanteurs ! Wagner lui-même ne manquait pas une occasion de déclarer que cette pièce n’était pas un drame, comme Tristan ou la Walkure, mais une œuvre de divertissement, comme les Noces de Figaro ou la Flûte enchantée. Il parlait dans ses lettres de « l’air de Pogner, » du « duo d’Eva et de Sachs. » Ce qui ne l’empêchait pas de se rendre bien compte de l’exceptionnelle valeur artistique des Maîtres Chanteurs, ainsi que le prouve une lettre qu’il écrivait à M. Weissheimer le 22 mai 1862, jour anniversaire de sa naissance : « Depuis ce matin, y disait-il, je sais à coup sûr que les Maîtres Chanteurs seront mon chef-d’œuvre. »


Il y aurait encore à noter bien d’autres renseignemens curieux. Sait-on, par exemple, que c’est à la demande de Napoléon III que Wagner, en 1861, a obtenu le pardon du roi de Saxe et l’autorisation de rentrer en Allemagne ? Sait-on que le Prélude de Lohengrin n’était à l’origine que l’adagio d’une grande Ouverture, aussi développée que