était assez simple pour vous attendre. Mais je vous annonce que sa retraite est prononcée et que, si vous ne vous hâtez d’attaquer, l’ennemi va vous échapper. — Vous avez mal vu, répliqua l’Empereur, il n’est plus temps. Wellington s’exposerait à une perte certaine. Il a jeté les dés et ils sont pour nous. »
Soult était soucieux. Pas plus que l’Empereur, il n’appréhendait l’arrivée des Prussiens sur le champ de bataille ; il les jugeait hors de cause pour plusieurs jours. Mais il regrettait que l’on eût détaché 34 000 hommes avec le maréchal Grouchy, quand un seul corps d’infanterie et quelques milliers de chevaux eussent suffi à poursuivre Blücher. La moitié des troupes de l’aile droite, pensait-il, serait bien plus utile dans la grande bataille qu’on allait livrer à l’armée anglaise, si ferme, si opiniâtre, si redoutable. Déjà, dans la soirée précédente, il avait conseillé à l’Empereur de rappeler une partie des forces mises sous les ordres de Grouchy. Il réitéra son avis ; Napoléon, impatienté, lui répliqua brutalement : « — Parce que vous avez été battu par Wellington, vous le regardez comme un grand général. Et moi, je vous dis que Wellington est un mauvais général, que les Anglais sont de mauvaises troupes et que ce sera l’affaire d’un déjeuner. — Je le souhaite, » dit Soult.
Peu après, Reille et Jérôme entrèrent au Caillou. L’Empereur demanda à Reille son sentiment sur l’armée anglaise, que ce général devait bien connaître, l’avant si souvent combattue en Espagne. Reille répondit : « — Rien postée comme Wellington sait le faire, et attaquée de front, je regarde l’infanterie anglaise comme inexpugnable, en raison de sa ténacité calme et de la supériorité de son tir. Avant de l’aborder à la baïonnette, on peut s’attendre que la moitié des assaillans sera abattue. Mais l’armée anglaise est moins agile, moins souple, moins manœuvrière que la nôtre. Si l’on ne peut la vaincre par une attaque directe, on peut le faire par des manœuvres. » Pour Napoléon, qui n’avait jamais en personne livré bataille rangée aux Anglais, l’avis d’un vétéran des guerres d’Espagne était bon à méditer. Mais, contrarié peut-être que Reille eût si librement parlé, au risque de décourager les généraux qui écoutaient, il parut n’y accorder aucune importance. Il rompit l’entretien par une exclamation d’incrédulité.
Le temps s’était éclairci, le soleil brillait ; un vent assez vif, un vent ressuyant, comme on dit en vénerie, commençait à souffler. Des officiers d’artillerie rapportèrent qu’ils avaient parcouru