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D’autres s’efforcent d’escalader le mur du parc en faisant la courte échelle ; à travers les meurtrières, les Anglais les percent de leurs baïonnettes. Les cadavres s’amoncellent au pied de Hougoumont. Les assaillans rentrent à l’abri du bois.

Le général Guilleminot, chef d’état-major de Jérôme, conseille de s’en tenir à cette première attaque. Il suffit d’occuper le bois. Reille envoie des ordres analogues. Mais Jérôme s’obstine, s’acharne à combattre. Il veut emporter la position. Il appelle sa seconde brigade (général Soye) pour relever dans le taillis la brigade Baudoin, avec les débris de laquelle il tourne Hougoumont par l’ouest. Sa colonne, qui n’est plus défilée, chemine sous le feu à 600 mètres des batteries anglaises. Elle atteint pourtant la façade nord de Hougoumont et y donne assaut. Tandis que le colonel de Cubières est renversé, grièvement blessé, à bas de son cheval, un géant, surnommé l’enfonceur, le lieutenant Legros, du 1er léger, prend la hache d’un sapeur et brise un vantail de la porte. Une poignée de soldats se précipitent avec lui dans la cour. La masse des Anglais les entoure, les fusille, les extermine ; pas un n’échappe. À ce moment, quatre compagnies de Coldstreams, seul renfort que Wellington, qui voit de loin le combat, mais qui ne s’abuse pas sur l’importance de l’attaque de Hougoumont, a jugé nécessaire d’envoyer, assaillent la colonne française. Pris entre deux feux, les bataillons décimés de Jérôme se replient, partie dans le bois, partie vers la route de Nivelles.


VI

Pendant ce combat, l’Empereur préparait sa grande attaque. Il Ut renforcer les vingt-quatre pièces de 12, jugées d’abord suffisantes pour canonner le centre de la position ennemie, par les batteries de 8 du 1er corps et trois batteries de la garde. On forma ainsi, en avant de la Belle-Alliance, une formidable batterie de quatre-vingts bouches à feu. Il était près d’une heure. Ney dépêcha un de ses aides de camp à Rossomme pour avertir l’Empereur que tout était prêt et qu’il attendait l’ordre d’attaquer. Avant que la fumée de tous ces canons eût élevé un rideau entre les deux collines, Napoléon voulut jeter un dernier regard sur le champ de bataille.

Il aperçut, à environ deux lieues au nord-est, comme un nuage sombre qui semblait sortir des bois de Chapelle-Saint-Lambert.