Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/609

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Reille chargea de cette petite opération le prince Jérôme, dont les quatre régimens formaient sa gauche. Pour protéger le mouvement, une batterie divisionnaire du 2e corps ouvrit le feu contre les positions ennemies. Trois batteries anglaises, établies au bord du plateau, à l’est de la route de Nivelles, ripostèrent. Au premier coup de canon, Wellington regarda sa montre : il était onze heures trente-cinq minutes.

Pendant ce duel d’artillerie auquel se mêlèrent bientôt d’autres batteries de la droite anglaise, une partie de l’artillerie de Peille, et les batteries à cheval de Kellermann (celles-ci sur l’ordre de l’Empereur), la brigade Baudoin de la division Jérôme, précédée de ses tirailleurs, descendit dans la vallée en colonnes par échelons. En même temps, les lanciers de Pire dessinèrent un mouvement sur la route de Nivelles. Il s’agissait seulement pour Jérôme d’occuper les fonds derrière le bois de Hougoumont et d’entretenir en avant de son front une forte ligne de tirailleurs. Mais, soit que l’ordre eût été mal expliqué ou mal compris, soit que le frère de l’Empereur ne voulût pas se borner à ce rôle passif, soit encore que les soldats, très animés et recevant des coups de fusil de l’ennemi invisible dans le fourré, aient agi spontanément, les tirailleurs du 1er léger abordèrent le bois à la baïonnette. Tout le régiment suivit, ayant à sa tête Jérôme et le général Baudoin, qui fut tué tout au début du combat. Malgré la défense acharnée du 1er bataillon de Nassau et d’une compagnie de carabiniers hanovriens, on prit pied sur la lisière du bois. Il y avait encore à conquérir trois cents mètres de taillis très épais. Le 3e’ de ligne s’y engagea à la suite du 1er léger. L’ennemi ne se retirait que pas à pas, s’embusquant derrière chaque touffe, tirant presque à bout portant, faisant sans cesse des retours offensifs. Il fallut une heure pour rejeter hors du bois les Nassaviens et les compagnies de gardes anglaises qui étaient venues les renforcer.

En débouchant du taillis, les Français se trouvent à trente pas des bâtimens de Hougoumont, vaste rectangle de pierre, et du mur du parc, haut de deux mètres. Mur et murailles sont percés le meurtrières d’où les Anglais commencent un feu nourri. Ils sont abrités, ils visent avec calme ; à cette petite distance, tous leurs coups portent. Les fantassins de Jérôme perdent leurs balles contre un ennemi invisible. Ils se ruent à l’assaut. Les uns tentent d’enfoncer la grande porte à coups de crosse, mais cette porte est dans un rentrant ; ils sont fusillés de face et de flanc.