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formation, périlleuse en toute circonstance et particulièrement nuisible sur ce terrain accidenté ? Ney ou d’Erlon, apparemment, car, dans l’ordre général dicté par l’Empereur à onze heures, rien de pareil n’avait été spécifié ; il n’y était même pas question d’attaque en échelons. Sur le champ de bataille. Napoléon laissait, avec raison, toute initiative à ses lieutenans pour les détails d’exécution[1].

Irrités de n’avoir point combattu l’avant-veille, les soldats brûlaient d’aborder l’ennemi. Ils s’élancèrent aux cris de : Vive l’Empereur ! et descendirent dans le vallon sous la voûte de fer des boulets anglais et français qui se croisaient au-dessus de leurs têtes, nos batteries rouvrant le feu à mesure que les colonnes atteignaient l’angle mort. La tête de la division Allix (brigade Quiot) se porta, par une légère conversion à gauche, contre le verger de la Haie-Sainte d’où partait une fusillade très nourrie. Ney dirigea l’attaque de cette position ; la brigade Bourgeois, formant seule désormais l’échelon de gauche, continua sa marche vers le plateau. Les soldats de Quiot débusquèrent vite du verger les compagnies allemandes et assaillirent la ferme. Mais, pas plus qu’à Hougoumont, on ne s’était avisé de faire brèche à ces bâtimens avec quelques boulets. Les Français tentèrent vainement plusieurs assauts contre les hautes et solides murailles, à l’abri desquelles les Allemands du major Baring faisaient un feu meurtrier. Un bataillon tourna la ferme, escalada les murs du potager, délogea les défenseurs, qui rentrèrent dans les bâtimens ; mais on ne put non plus démolir les murailles à coups de crosse de fusil.

Wellington se tenait au pied d’un gros orme planté à l’ouest de la route de Bruxelles, à l’intersection de cette route et du chemin d’Ohain[2]. Pendant presque toute la bataille, il demeura à cette même place avec son état-major grossi des commissaires alliés, Pozzo di Borgo, qui reçut une contusion légère, le baron de Vincent qui fut blessé, Müffling, le général Hügel, le général Alava. Voyant de là les Français entourer complètement la Haie-Sainte, Wellington prescrivit à Ompteda d’envoyer au secours

  1. Peut-être l’aide de camp fit-il confusion, en transmettant l’ordre de d’Erlon ou de Ney, entre la colonne de division (c’est-à-dire par huit bataillons serrés en masse) et la colonne par division (c’est-à-dire par deux compagnies accolées, marchant à demi-distance ou à distance entière) ?
  2. Cet orme fut acheté 200 francs par un Anglais avisé qui le débita à Londres, sous forme de cannes, de tabatières, et de ronds de serviettes, aux idolâtres de Wellington.