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plateau, allait entraîner un désastre. Après que les tirailleurs eurent culbuté les Hollandais de Bylandt, la division Donzelot s’avança jusqu’à trente pas du chemin. Donzelot arrêta sa colonne pour la déployer. Pendant l’escalade, les bataillons avaient encore resserré leurs intervalles et ne formaient plus qu’une masse. Le déploiement ou plutôt la tentative de déploiement, car il ne semble pas que l’on ait réussi à l’exécuter, prit beaucoup de temps ; chaque commandement augmentait la confusion. L’ennemi profita de ce répit. Quand les batteries françaises avaient ouvert le feu, la division Picton (brigades Kempt et Pack) s’était reculée, sur l’ordre de Wellington, à 150 mètres du chemin. Les hommes étaient là en ligne, mais couchés, afin d’éviter les projectiles. Picton voit les Hollandais en déroute et les tirailleurs français traverser les haies et s’avancer hardiment contre une batterie. Il commande : Debout ! et porte d’un bond la brigade Kempt jusqu’au chemin. Elle replie les tirailleurs, franchit la première haie, puis, découvrant la colonne de Donzelot, occupée à se déployer, elle la salue d’un feu de file à quarante pas. Fusillés à l’improviste, surpris en pleine formation, les Français font d’instinct, involontairement, un léger mouvement rétrograde. Picton saisissant la minute crie : Chargez ! Chargez ! Hurrah ! Les Anglais s’élancent de la seconde haie et se ruent tête baissée contre cette masse en désordre qui résiste par sa masse même. Repoussés plusieurs fois, sans cesse ils renouvellent leurs charges. On combat de si près que les bourres restent fumantes dans le drap des habits. Durant ces corps-à-corps, un officier français est tué en prenant le drapeau du 32e régiment, et le vaillant Picton tombe raide, frappé d’une balle à la tempe[1].

La colonne de Marcognet (troisième échelon) était arrivée à peu près à la hauteur de la colonne de Donzelot au moment de la fuite des Hollando-Belges. Marcognet, n’ayant pas cru possible de déployer sa division, avait continué sa marche et dépassa Donzelot qui faisait halte. Déjà, avec son régiment de tête criant : Victoire ! il avait franchi la double haie et s’avançait contre une batterie hanovrienne, quand, aux sons aigus des pibrochs, s’ébranla la brigade écossaise de Pack par bataillons

  1. Un historien anglais, entraîné par son patriotisme, dit que l’officier français fut tué en essayant de reprendre le drapeau du 32e français. Le 32e n’était pas à l’armée du Nord, tandis que le 32e anglais faisait bel et bien partie de la brigade Kempt.