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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/621

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POÉSIE

AUX FLANCS DU VASE


I

LE SOMMEIL DE CANOPE



Accoudés sur la table et déjà noyés d’ombre,
Du haut de la terrasse, à pic sur la mer sombre,
Les amans, écoutant l’éternelle rumeur
Se taisent, recueillis, devant le soir qui meurt.
Alcis songe, immobile et la tête penchée.
Canope avec lenteur de lui s’est rapprochée.
Lasse, et sur son épaule a laissé doucement
Comme un fardeau trop lourd glisser son front charmant.
Tout s’emplit de silence... Au fond des cours lointaines
On entend plus distinct le sanglot des fontaines ;
Par endroits sur le port une lumière luit ;
Et l’étrange soupir qui monte vers la nuit.
Mystérieux aveu du cœur profond des choses,
Se fait, ce soir, plus doux de passer sur les roses.
Alcis songe, et la paix immense, la douceur
Des souffles, l’infinie et calme profondeur,
Le croissant, et l’étoile, à sa base, qui tremble,
Et la mer murmurante, et cette enfant qui semble
Avec son cou léger renversé sans effort
Une morte d’amour parmi ses cheveux d’or.
Tout l’exalte ! Une lente et solennelle ivresse