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VII

LE MARCHÉ



Sur la petite place, aux lueurs de l’aurore,
Le marché rit joyeux, vivant, multicolore,
Pêle-mêle étalant sur ses tréteaux boiteux
Ses volailles, ses fruits, son miel, ses paniers d’œufs,
Et sur la dalle, où coule une eau toujours nouvelle.
Ses poissons d’argent clair, qu’une âpre odeur révèle.
Eglone, sa petite Alidé par la main,
Dans la foule se fraie avec peine un chemin,
S’attarde à chaque étal, va, vient, revient, s’arrête,
Aux appels trop pressans parfois tourne la tête,
Soupèse quelque fruit, marchande les primeurs,
Ou s’éloigne au milieu d’insolentes clameurs.
L’enfant la suit, heureuse ; elle adore la foule.
Les cris, les grognemens, le vent frais, l’eau qui coule,
L’auberge au seuil bruyant, les petits ânes gris,
Et le pavé glissant jonché de verts débris,
Eglone a fait son choix de fruits et de légumes ;
Elle ajoute un canard vivant aux belles plumes.
Alidé bat des mains, quand, pour la contenter.
Sa mère donne enfin son panier à porter.
La charge fait plier son bras ; mais déjà fière
L’enfant part sans rien dire, et se cambre en arrière,
Pendant que le canard, discordant prisonnier,
Crie et passe un bec jaune aux treilles du panier.


VIII

PANNYRE AUX TALONS D’OR



Dans la salle en rumeur un silence a passé...
Pannyre aux talons d’or s’avance pour danser.
Un voile aux mille plis la cache tout entière.
D’un long trille d’argent la flûte, la première.