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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/636

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son successeur Carlisle, lorsque celui-ci le remplaça, le 4 mai 1893, à l’heure où le président Cleveland, élu pour la seconde fois à la magistrature suprême, succédait à Harrisson. Mais l’inquiétude se répandait de plus en plus dans le public, qui se demandait comment la Trésorerie ferait pour maintenir sa réserve d’or au chiffre minimum et rembourser en même temps ses billets en ce métal. Les faillites, avant-coureurs des crises, se multipliaient : celles du chemin de fer Philadelphia-Reading, de la Compagnie nationale de cordages, jetaient la panique sur les marchés ; une prime sur l’or se déclara, qui fit du reste arriver d’Europe, dans le seul mois d’août 1893, 41 millions de dollars. Le monde avait les yeux fixés sur Washington et attendait avec anxiété ce qui allait sortir des délibérations du Congrès. Sur la proposition du président Cleveland, la Chambre des représentans vota le rappel de la loi Sherman ; deux mois plus tard, après des débats passionnés, le Sénat ratifia cette mesure : les achats d’argent pour compte du Trésor cessèrent aussitôt, et n’ont pas été repris depuis lors. La panique était arrêtée, mais le mal avait été grand : les faillites aux États-Unis furent trois fois plus nombreuses en 1893 qu’elles ne l’avaient été lors de la dernière grande crise, celle de 1873.

La situation de la Trésorerie apparaissait sous un jour particulier : on ne lui présentait pour ainsi dire pas de billets à l’échange, ces billets étant réclamés par la circulation. Elle aurait donc dû, non seulement conserver son stock de métal jaune, mais le voir s’augmenter, puisqu’une grande partie des impôts, notamment les droits de douane, lui étaient payés en or. Mais, l’ensemble de ses revenus restant bien inférieur aux dépenses, elle se voyait contrainte d’employer son encaisse à parfaire le déficit ; aussi, le 19 octobre 1893, la réserve tomba-t-elle à 81 millions de dollars, chiffre le plus bas connu jusque-là, mais qui devait encore se réduire au mois de janvier 1894 à 67 millions, et, au mois d’août de la même année, à 52 millions. Pour parer au danger de voir la réserve s’épuiser, l’administration mit aux enchères 50 millions d’obligations o pour 100 radie tables après dix ans : aucune soumission ne serait reçue au-dessous de 117, 223 pour 100, cours équivalant à un 3 pour 100 au pair. Une opposition bruyante essaya de protester contre cette émission, mais la cour fédérale du district, devant qui l’affaire fut portée, la déclara légale. Toutefois elle ne fit rentrer que très passagèrement