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au lieu de se faire sur des navires nationaux, s’opère par des armateurs étrangers, ce sont de nouvelles sommes qu’il faut exporter pour payer les frets. Au contraire, si l’industrie indigène alimente la consommation intérieure et va jusqu’à exporter des produits fabriqués, elle empoche le capital national de se dépenser au dehors ; dans le second cas, elle fera rentrer dans le pays du capital étranger, tandis que, si elle est insuffisante, un excédent d’importations deviendra nécessaire et devra être payé au moyen de monnaies qui émigreront.

De ces diverses hypothèses, celle qui vise une importation de céréales ne s’est jamais appliquée aux États-Unis, qui ont toujours exporté des quantités plus ou moins fortes de blé et de maïs : au contraire, les importations de produits fabriqués y ont pris à de certaines époques un grand développement. Ils ont aussi, pendant une période de leur histoire, importé beaucoup de capital étranger : les Européens, les Anglais surtout, ont contribué à fonder et à développer nombre d’entreprises industrielles américaines, au premier rang desquelles figurent les chemins de fer, et sont ainsi devenus créanciers permanens des États-Unis. Aujourd’hui, ceux-ci, grâce aux sommes énormes que leur fournissent leurs exportations, non seulement paient sans difficulté les intérêts de ces capitaux, mais les rachètent. Rien n’est plus instructif à cet égard que ce qui se passe depuis l’année dernière. La hausse du blé, qui s’est accentuée au début de 1898, a eu son contre-coup sur les cours de presque toutes les valeurs américaines, notamment les actions et obligations de chemins de fer, demandées d’une façon continue sur la place de Londres par les maisons de New-York.

Ce n’est pas sans raison que les observateurs attentifs des événemens financiers internationaux, ceux qui aiment à y constater les effets de causes connues et à y découvrir les symptômes des mouvemens à venir, ne perdent jamais de vue la cote du change entre New York et les places européennes. En effet, suivant le sens que ce baromètre si délicat et si exact indique du déplacement des capitaux, on peut juger de l’état relatif d’endettement (indebtedness) d’un continent vis-à-vis de l’autre et se rendre compte des opérations commerciales et financières qui se poursuivent entre eux. Il est heureux pour l’Europe qu’elle possède encore une grande quantité de titres américains, obligations du gouvernement, actions et obligations de chemins de fer, valeurs