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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/672

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ses momens perdus. Mais, au lieu de toucher les sommes qui lui étaient dues pour ces différens travaux, il s’était entendu avec Moretus pour en appliquer le prix à des emplettes de livres ou à des reliures, et les registres des comptes de la maison Plantin sur lesquels sont portés les détails de ces fournitures successives nous renseignent en même temps sur l’importance de la bibliothèque de Rubens et sur les titres des ouvrages dont elle était formée.

L’examen de cette liste nous montre que la curiosité du maître était universelle. Avec la soif qu’il a de s’instruire, tout l’intéresse ; mais il a horreur du verbiage, de la frivolité, et en envoyant à Du Puy un livre qu’il n’a pas pris la peine de lire, il se défend « de faire d’un temps bien précieux un si mauvais emploi que de le consacrer à ces fadaises (queste poltronerie) pour lesquelles il a une aversion naturelle. » (Lettre du 22 octobre 1626.) Toutes les aptitudes, toutes les aspirations de cet esprit si net et si ouvert sont représentées sur cette liste. La science l’attire tout d’abord et le premier livre qu’il achète, le 17 mars 1613, a trait à l’histoire naturelle : Aldovrandus, de Avibus. La même année, suivent, du même auteur : les Insectes, les Poissons, puis d’autres ouvrages sur les Serpens et les Crustacés. En 1615, il paie 98 florins un in-folio : Hortus Eystettensis, publié à Nuremberg deux ans auparavant, avec de nombreuses planches de plantes et de fleurs. Il aime aussi à se tenir au courant de la géographie et des voyages et il achète pour 96 florins les quatre volumes de De Bry sur les Indes orientales et les Indes occidentales (Francfort ; 1602-1613). Il est particulièrement attentif à tout ce qui concerne les lois de la vision et il a dessiné lui-même le frontispice et six vignettes pour un Traité d’Optique du P. F. Aguilon (Anvers, 1613). Cette science qui touche de si près aux conditions de son art le préoccupe vivement et, dans une lettre qu’il écrit à Du Puy (29 mai 1635), Peiresc regrette l’interruption de sa correspondance avec Rubens au moment où celui-ci « recommençait à se mettre en train de lui écrire de belles curiosités sur l’anatomie des yeux. » En lui soumettant quelques observations qu’il avait faites de son côté sur ce sujet, et « qui l’avaient chatouillé bien avant, » Peiresc lui avait, comme il dit, « donné barres. » Il eût été, en effet, très intéressant de connaître ces réflexions de Rubens sur les rapports de l’optique avec la peinture. Malheureusement les menaces de guerre entre l’Espagne et la