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inventions, tant d’érudition et de netteté dans ses tableaux allégoriques et s’il développait si bien ses sujets, n’y faisant entrer que les choses qui y étaient propres et particulières ; d’où vient qu’ayant une parfaite connaissance de l’action qu’il voulait représenter, il y entrait plus avant et l’animait davantage, mais toujours dans le caractère de la nature. » Aussi bien dans la composition de sa galerie de tableaux que dans celle de sa bibliothèque, Rubens, on le voit, était un éclectique. Prenant son bien partout où il le trouvait, il s’attachait à extraire la substance même de ses lectures très variées et à s’en assimiler le bénéfice pour le plus grand profit de son talent.


III

Au milieu des richesses de toutes sortes qu’il avait amassées dans sa demeure, la vie de Rubens était restée simple et frugale. Sans doute, son train de maison avait grandi avec les années et il s’était monté à la hauteur de la situation ; mais toujours un ordre parfait présidait à sa dépense. Elevée à l’école de la pauvreté, sa mère lui avait donné l’exemple du courage et de la modération des désirs. Isabelle, sa première femme, s’était conformée à ces sages habitudes et peu à peu l’aisance, et bientôt après la fortune avaient succédé à la gêne primitive. Le maître était devenu un grand personnage, très riche, comblé d’honneurs. Avec un juste souci des convenances et de sa dignité, il avait transformé sa maison et en avait fait un véritable palais. Dans le magnifique portrait d’Hélène Fourment, qui appartient à M. le baron Alphonse de Rothschild, Rubens nous la montre parée, s’apprêtant à sortir : son page est à côté d’elle et deux beaux chevaux attelés à son carrosse arrivent au grand trot pour la conduire à la promenade. Ses toilettes sont d’une élégance somptueuse et, dans les nombreuses images que son amoureux époux nous a laissées d’elle, elle porte, avec des accoutremens toujours variés, des bijoux de grand prix[1].

D’un autre côté, quand, vers la fin de sa vie, Rubens désire avoir une installation à la campagne, la terre de Steen dont il se rend acquéreur est un domaine seigneurial qui, avec les frais de première appropriation, ne lui a pas coûté moins de cent mille

  1. La liste détaillée de ces bijoux, portée à l’inventaire de la succession de Rubens, arrive à une estimation de plus de 17 000 florins de ce temps.