cette affaire, ne pouvait être mis en doute. Il est de plus représenté à Washington par un homme qui, bien qu’ambassadeur de fraîche date, a donné, dans une longue carrière, des preuves nombreuses d’un esprit à la fois ferme et souple, doublé d’un caractère conciliant. M. Jules Cambon a traversé des situations administratives qui exigeaient déjà les qualités d’un diplomate, et d’où il est sorti tout préparé à ses fonctions nouvelles. Sur le désir du cabinet de Madrid, son gouvernement l’a autorisé à présenter au gouvernement des États-Unis une sorte de rameau d’olivier. Il n’y a eu rien de plus jusqu’ici. Évidemment, c’est beaucoup si l’on songe que la première démarche était en somme la plus délicate et la plus pénible ; mais c’est peu si l’on songe à tout le chemin qui reste à parcourir. Il n’est pas toujours vrai qu’il n’y ait que le premier pas qui coûte ; mais c’est celui qui coûte le plus. Le gouvernement de Washington sait maintenant que celui de Madrid désire la paix, et qu’il est prêt à entrer en négociations pour en amener le rétablissement.
Mais ici se posent des questions assez nombreuses. Quelle sera la forme de ces négociations ? Il semble impossible qu’elles se continuent jusqu’à leur terme par l’intermédiaire de l’ambassadeur de France à Washington. D’autre part, si les négociations s’ouvrent, quelle en sera la conséquence immédiate ? Les deux gouvernemens admettront-ils l’opportunité d’un armistice ? Préféreront-ils, au contraire, ou l’un des deux préférera-t-il poursuivre les opérations militaires, dans la pensée qu’elles tourneront à son avantage, et que le développement en pèsera sur les négociations pour les rendre elles-mêmes plus faciles, ou plus rapides ? Un armistice paraîtrait indiqué, conseillé par les circonstances ; mais il faudrait que les deux parties fussent à cet égard du même avis, et on ne sait pas encore si elles le sont. Peut-être le gouvernement américain voudra-t-il poursuivre les opérations qu’il a préparées sur Porto-Rico. Peut-être voudra-t-il achever celles qu’il a entamées dans les Philippines. Le danger de cette manière de procéder, qui mole la diplomatie-à la guerre, est qu’elle subordonne la première, quelle que soit la fixité de ses vues, aux hasards ton jouis variés et mobiles que présente la seconde.
Enfin, et par-dessus tout, il s’agit de savoir quelles seront les conditions mêmes de la paix. L’Espagne doit s’attendre à faire des sacrifices considérables. Il ne s’agit pas ici de Cuba : Cuba est perdu pour elle, et depuis longtemps. Sera-t-elle proclamée indépendante, ou, après avoir gravité autour de l’orbite américain, finira-t-elle par y être entraînée et par y entrer ? Au point de vue purement espagnol, cela maintenant