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déjà en position à Chapelle-Saint-Lambert. Tout au plus le maréchal pourrait-il tomber sur les derrières de ce corps ou retenir loin du champ de bataille, par une attaque à fond, les autres fractions de l’armée prussienne. Que l’Empereur n’ait pas incontinent fait repartir La Fresnaye avec de nouvelles instructions pour Grouchy, faut-il s’en étonner ? Ces instructions, qui n’auraient pu être autres que « de chercher à se rapprocher de l’armée afin de tomber sur le corps ennemi qui voudrait en inquiéter la droite, » Napoléon les avait déjà adressées à son lieutenant à une heure un quart. Il n’aurait pu que les réitérer et bien tardivement.

La présence de Bülow à Chapelle-Saint-Lambert, l’échec sanglant du comte d’Erlon, l’éloignement de Grouchy, c’étaient peut-être des raisons pour engager l’Empereur à rompre le combat, comme à Essling, et à prendre une forte position défensive sur le plateau de la Belle-Alliance. Il ne semble pas qu’il ait songé à cet expédient, bon tout au plus pour la journée. Le lendemain, l’armée française, même renforcée par Grouchy, aurait eu à livrer bataille presque dans la proportion d’un contre deux aux armées réunies de Wellington et de Blücher. L’Empereur aima mieux profiter de l’expectative où paraissait rester Bülow pour enfoncer les Anglais avant l’entrée en ligne des Prussiens.

Dès que d’Erlon eut rallié quelques-uns de ses bataillons, vers trois heures et demie, l’empereur ordonna à Ney d’attaquer de nouveau la Haie-Sainte. Il comptait se servir de ce poste comme point d’appui pour un mouvement d’ensemble avec le corps de d’Erlon, le corps de Reille qu’il pensait devoir être bientôt maître de Hougoumont, toute la cavalerie et enfin la garde à pied, « qui donnerait le coup de massue. » Ney mena contre la Haie-Sainte la brigade Quiot, tandis que l’une des brigades de Donzelot, tout entière déployée en tirailleurs, gravit les rampes à l’est de la route de Bruxelles et vint fusiller à vingt pas les Anglais embusqués derrière les haies du chemin d’Ohain. L’attaque échoua. Les tirailleurs de Donzelot furent repoussés à mi-côte ; les soldats de Quiot, ne pouvant percer les murailles avec leurs baïonnettes et décimés par le feu à bout-portant des Allemands du major Baring, qui venait de recevoir un renfort de deux compagnies, se replièrent dans le verger.

Pour seconder cet assaut, la grande batterie avait redoublé son feu contre le centre gauche de la position ennemie pendant que les batteries de Reille, renforcées par une partie des pièces