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frappent et ricochent sur les cuirasses avec le bruit de la grêle sur un toit d’ardoises. Cuirassiers et lanciers, les rangs déjà rompus par le feu, par la montée, par le passage même de cette haie de canons, fondent sur les carrés. Mais, du bord du plateau où ils prennent le galop jusqu’à la première ligne d’infanterie, le champ est insuffisant. La charge manque d’élan et par conséquent d’action, Les Anglais sont en carrés sur trois rangs. Le premier rang genou terre, le bec des crosses appuyé au sol, les baïonnettes inclinées formant chevaux de frise. Malgré leurs coups d’éperons et leurs coups de sabre, malgré leur vaillance et leur rage, les cavaliers ne peuvent percer ces murs d’hommes. Ils obliquent à droite et à gauche et, sous les feux croisés, vont charger les carrés de la seconde ligne. Comme les vagues aux vagues, les escadrons succèdent aux escadrons. La nappe de cavalerie inonde tout le plateau. Cuirassiers, chasseurs, lanciers rouges tourbillonnent autour des carrés, les assaillent sur les quatre faces, s’acharnent contre les angles, rabattent les baïonnettes à coups de sabre, trouent les poitrines à coups de lance, déchargent leurs pistolets à bout portant, en des luttes corps à corps font des brèches partielles aussitôt fermées.

Lord Uxbridge voit cette mêlée. Les deux tiers de sa cavalerie n’ont pas donné. Il lance sur ces masses en désordre les dragons de Dörnberg, les hussards d’Arenschild, les lanciers noirs de Brunswick, les carabiniers hollandais de Tripp, les deux brigades hollando-belges de van Merle et de Ghigny, en tout cinq mille chevaux frais. Ils ont le nombre, ils ont la cohésion. Les Français plient sous le choc, refluent dans les intervalles des carrés, échappent aux sabres pour tomber sous les balles. Ils abandonnent le plateau. Les canonniers raccourent à leurs pièces ; sur toutes les crêtes se rallume la ligne de feu des batteries anglaises.

A peine au fond du vallon, les valeureux soldats de Milhaud et de Lefebvre-Desnoëttes reprennent la charge. De nouveau, ils