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aux plis de terrain derrière lesquels elle était, couchée, avait peu souffert de la canonnade. » Aussitôt, les hommes furent debout, formés en carrés. Les batteries restèrent en avant du front, sur le bord même du plateau. On envoya les attelages au loin, et les canonniers reçurent l’ordre de tirer, presque au dernier moment, puis de se réfugier dans les carrés en abandonnant leurs pièces.

La cavalerie française s’avançait en échelons de colonnes d’escadrons, les cuirassiers à la droite, les chasseurs et les chevau-légers à la gauche. La direction était légèrement oblique, les premiers échelons manœuvrant pour aborder la partie plate du chemin d’Ohain, les échelons de gauche conversant vers les rampes qui s’élèvent au-dessus de Hougoumout. On prêtait le flanc à l’artillerie ennemie. Dès que les cuirassiers commencèrent à déboucher des fonds où ils s’étaient formés, les batteries françaises cessèrent de tirer et les batteries anglaises activèrent leur feu. Les pièces avaient double charge : boulet et paquet de mitraille ou boulets rames. Une rafale de fer. Les chevaux montaient au trot, assez lentement, sur ces pentes roides, dans ces terres grasses et détrempées où ils enfonçaient parfois jusqu’aux genoux, au milieu de ces grands seigles qui leur balayaient le poitrail. En précipitant le tir, les batteries purent faire plusieurs décharges. Une dernière bordée, à quarante pas, des batteries de Lloyd et de Cleeves, établies au point où s’élève aujourd’hui la butte du Lion, faucha à moitié les escadrons de tête. Les survivans s’arrêtèrent quelques secondes, paraissant hésiter. La charge sonna plus vibrante ; on cria : Vive l’Empereur ! Les cuirassiers se ruèrent sur les canons. Successivement, toutes les batteries furent prises. Superbe fait d’armes, mais capture illusoire. Les attelages manquaient pour emmener les pièces, les clous pour les mettre hors de service. On pouvait les renverser dans le ravin, enfoncer dans les lumières, à défaut de clous, des baguettes de pistolet. Rien ! Pas un officier ne songea même à faire briser les écouvillons.

Les canons se sont tus, mais les salves et les feux de file roulent et crépitent. Entre la route de Nivelles et la route de Bruxelles, vingt bataillons anglais, hanovriens, brunswickois, allemands, forment deux lignes de carrés en échiquier[1]. Les balles

  1. Il y avait alors on première et en seconde ligne un bataillon de Byng (les autres à Hongoumont) ; les quatre de Colin Halkett ; les deux de Maitland (à 1 000 hommes d’effectif chacun) ; deux d’Adam (les autres en réserve) ; deux d’Ompteda (les autres à la Haie-Sainte) ; les cinq de Kielmansegge ; les trois de Kruse ; quatre de Brunswick (les autres en réserve). Plus tard, les quatre bataillons de Duplat quittèrent leur position près de Merbe-Braine et vinrent prolonger la ligne des carrés.
    Les carrés étaient d’un bataillon, sauf les carrés de Halkett, qui étaient de deux bataillons à cause des pertes subies aux Quatre-Bras. Certains carrés étaient sur quatre rangs. La plupart avaient les angles arrondis.