Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/855

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plante abandonnée à elle-même. La nature a donc été corrigée au point de vue de la quantité, autant qu’à celui de la qualité. Pour les eaux, je le répète, nous sommes moins exigeans : il nous suffirait de la quantité ; et il paraît certain que celle-ci pourrait être accrue.

Cent ans d’expérience sont là pour le montrer.

La question s’est en effet posée, depuis bien longtemps, pour le poisson d’eau douce. On a vu les rivières et les fleuves se dépeupler par le fait du braconnage, de la pêche légitime, des souillures des usines, et l’homme a corrigé la nature en repeuplant les cours d’eau. Il serait téméraire de dire que la pisciculture des eaux douces a donné tout ce qu’on en attendait ; mais il y a trop de raisons aussi pour que son œuvre fut imparfaite. Ses efforts devaient porter peu de fruits si, en même temps qu’elle repeuplait, on ne réduisait pas le nombre des causes de destruction, et cette réduction, dans bien des cas, était impossible à opérer. Trop d’intérêts étaient en jeu, — et des intérêts pécuniaires, — pour qu’il fût possible de supprimer la pollution des rivières, et le braconnage. De là le succès trop relatif de la pisciculture des eaux douces, dans beaucoup de cas. Dans d’autres, la réussite a été très nette, très évidente : et ces cas heureux ont montré avec plus de clarté encore les causes des insuccès : l’exception a confirmé la règle, et l’œuvre de la pisciculture, ressuscitée des anciens, et perfectionnée par Joseph Rémy, puis par Coste, en France, par Jacobi en Allemagne, par John Shaw en Angleterre, est de celles qui ont fait leurs preuves. Assurément nous ne risquons point de revenir aux beaux jours où, sur les bords du Rhin, en Écosse, et en Bretagne, les domestiques stipulaient qu’il ne leur serait pas servi de saumon plus de deux fois par semaine, — et du reste les chemins de fer ne permettraient point à de tels faits de se reproduire, — mais le repeuplement et l’acclimatation ont certainement contribué à ralentir la disparition du poisson, et c’est à peu près tout ce qu’ils peuvent faire en l’état actuel.

Maintenant la question se pose aussi pour les mers. Peut-on accroître le rendement des mers, et la pêche peut-elle y trouver des ressources plus abondantes ? La mise en culture des mers est-elle possible, et peut-on, par des pratiques quelconques, accroître le nombre des poissons ?

On sait que l’idée de la pisciculture marine a été déjà plusieurs fois émise. Emise, d’ailleurs, mais guère appliquée. N’est-ce