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pas en 1878 encore que M, L. Vaillant, professeur au Muséum, dans son rapport sur l’Exposition, disait que la pisciculture marine « n’a jusqu’ici donné lieu à aucune tentative suivie » ? N’ajoutait-il pas, pour expliquer cette circonstance, que « les œufs de la plupart des espèces demandent, pour leur développement, des conditions très spéciales », que leur éclosion est des plus difficiles à obtenir : « l’alevin de très petite taille a besoin malgré cela, de quantités d’eau très considérables, son éducation serait donc des plus pénibles » ? Et M. Vaillant concluait que tout ce qu’on pourrait faire, pour ralentir le dépeuplement des mers, serait de protéger les alevins, sans doute en les recueillant dans des viviers jusqu’à l’âge où ils peuvent se suffire, en créant pour les « moralement abandonnés » du monde des poissons des retraites provisoires.

À la même époque, toutefois, d’autres pensaient de façon différente. Dès 1868, M. Doumel-Adanson, président de la Société D’histoire naturelle de l’Hérault, proposait en effet au Congrès scientifique la création, à Cette d’un établissement expérimental de pisciculture marine. « La Science, disait-il, la Science a marché ; la fécondation et l’éclosion artificielles, inconnues, ou au moins oubliées pendant des siècles, se sont élevées au rang que leur assigne une incontestable utilité, et ce qui alors ne pouvait réussir spontanément peut être aujourd’hui tenté artificiellement avec probabilité de succès. Eclos dans un laboratoire, les jeunes poissons, après avoir grossi pendant quelques semaines dans des bassins spéciaux où ils trouveraient nourriture abondante et protection contre leurs ennemis naturels, seraient lâchés par myriades dans les étangs salés et les lagunes, où la pêche, ne s’exécutant qu’avec des engins fixés et réglementaires, ne leur porterait aucun préjudice. Puis, l’hiver venu, ayant acquis déjà une dimension moyenne, ils arriveraient à la mer par innombrables légions, et se joindraient à ceux dont la suppression de la pêche aux filets traînans (suppression demandée par Duhamel du Monceau pour empêcher la destruction des alevins) aurait permis l’éclosion et le développement. »

La proposition de M. Doumet-Adanson eut des partisans, mais aussi des adversaires. L’idée était dans l’air, toutefois ; elle y était déjà quand le naturaliste de l’Hérault la formula publiquement. Elle suscita des critiques vives ; en 1809, dans un ouvrage intitulé : l’Industrie des eaux salées, un ancien commissaire