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de la marine, M, J.-B.-A. Rimbaud, n’hésitait pas à écrire que « l’art de cultiver les eaux n’est qu’une prétention, » et encore que la pisciculture « n’est pas parvenue et ne saurait jamais parvenir à jeter dans l’Océan une seule poignée d’alevins viables. »

Quelques années auparavant, déjà, en 1850, des expériences faites à Bandol montraient que l’éclosion était chose possible et réelle, et, au reste, quelle raison pouvait-on invoquer a priori, pour douter de la possibilité de la fécondation artificielle chez les espèces marines, alors qu’elle réussissait si bien chez les espèces d’eau douce ? Un fait devait, au surplus, fournir un encouragement sérieux : c’est aux États-Unis qu’il se produisit, en 1867.

Je veux parler des expériences de Seth-Green sur la fécondation artificielle de l’alose. Ce poisson est de ceux qu’on appelle anadromes : habitant de la mer, il remonte dans les rivières à l’époque de la reproduction, et y dépose ses œufs, qui sont aussitôt fécondés : les alevins font leur apparition, et, quelques semaines plus tard, descendent le cours de la rivière pour gagner les eaux salées. Plus tard, périodiquement, repris de l’amour ancestral des eaux douces, ils imitent leurs parens, passant environ dix mois par an à la mer, et deux dans les rivières.

Très abondantes à une époque encore récente, c’est-à-dire vers 1850, les aloses de la rivière Connecticut avaient beaucoup diminué de nombre, en raison de pêches abusives et d’obstacles à la montée : les pêcheries couraient à la ruine. C’est sur ces entrefaites que Seth-Green entreprit l’étude des causes du phénomène, espérant aussi trouver le remède.

Il constata que les œufs de l’alose se prêtent le mieux du monde à la fécondation artificielle, qu’ils se développent fort bien à condition qu’en leur fournisse l’air et la chaleur nécessaires ; et, de fil en aiguille, il fut conduit à essayer de repeupler en immergeant les œufs fécondés en pleine rivière, non pas libres, — car alors le courant risque de les entraîner ou bien la vase s’accumule et les ensevelit, — mais dans des boîtes fermées par des toiles métalliques, où l’eau passe sans peine, apportant l’oxygène dont il est besoin, et présentant la température voulue. Chaque boîte contenait de 50 000 à 100 000 œufs ; ceux-ci avaient été recueillis par les procédés habituels : obtenus par pression légère, ils avaient été ensuite arrosés de laitance qu’on s’était procurée de la même manière, chez des adultes des deux sexes qui remontaient la rivière pour y procédera l’œuvre de nature.