effet, traverser l’Atlantique : les grands fonds leur opposent une barrière aussi difficile à franchir que les hautes chaînes de montagnes aux espèces terrestres.
En réalité, les grandes migrations n’existent pas, et les faits sont là pour le prouver[1]. Les migrations des poissons sont restreintes et limitées : telle est la conclusion générale qui s’est peu à peu imposée, et Spencer Baird le savait bien quand il résolut de faire des essais de pisciculture marine. La morue — puisque c’est d’elle qu’il s’agit — se trouve en toute saison dans les eaux où les pêcheurs la vont chercher en été, et, dans ces eaux, elle exécute des voyages très limités, comme cela a lieu pour l’alose, bien étudiée à ce point de vue aux États-Unis ; comme cela a lieu pour le hareng aussi, dont les pêcheurs connaissent un certain nombre de races et de variétés distinctes, avant chacune son habitat bien défini le long des côtes, où ils les retrouvent chaque année, la saison de pêche revenue. Ces petits déplacemens saisonniers sont déterminés par les changemens de température, par les préférences alimentaires, par les mouvemens des autres poissons, — prédateurs ou proies, — et ils se font en réalité entre les profondeurs et la surface, dans le sens vertical. En hiver, les poissons gagnent les profondeurs voisines ; en été, ils vont aux fonds plus rapprochés de la surface, et dans bien des cas leur excursion est peu considérable : elle est réglée par la distance à franchir pour arriver aux sites appropriés. La morue aime les eaux fraîches, et les recherche en toute saison, et c’est là, semble-t-il, la raison fondamentale de ses déplacemens. Elle ne les veut pas trop froides, non plus, et en hiver elle trouve le milieu dont elle a besoin en se réfugiant dans les fonds où la température est moins froide, et plus constante. Au printemps, elle en sort et se montre sur les bords des bancs de Terre-Neuve, et d’autres encore, pour se réfugier en été dans les eaux du courant froid du Labrador.
L’objection tombe donc, et c’est en pleine connaissance de cause qu’en 1878 Spencer Baird commença ses premières expériences sur la multiplication artificielle de la morue, dans
- ↑ Voir en particulier, sur ce point, les observations de J. T. Cunningham, dans Marketable Marine Fishes, p. 116-118. Voir aussi les expériences directes de Wemyss Fulton qui attacha des plaques d’aluminium marquées à des poissons qui venaient d’être péchés et qui furent remis aussitôt à l’eau. Il en résulte ceci que la proportion des poissons marqués que l’on pèche à nouveau, dans les mêmes parages, même après un temps assez long, est considérable.