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de la Tour Eiffel, les quelques rendez-vous de la Galerie des machines… cette villa malgache qui attirait tout Paris ; ce grand air enfin qui attirait les enfans de nos écoles pour leurs jeux athlétiques, les bonnes de nos enfans pour le grand bonheur des enfans eux-mêmes… Voilà de quoi vivait le commerce du quartier !…


… Mais une nuée d’entrepreneurs arrive depuis six mois. Adieu courses vélocipédiques, adieu mélodie et chorégraphie ! Adieu la verdure, adieu même l’ombrage ! Tous les jours, nous pouvons saluer au passage le cortège des arbres de tes avenues, Champ-de-Mars où l’on pouvait jadis respirer !

C’est un mal nécessaire… Mais si notre résignation est faite, elle ne l’est pas sans intérêt, sans espoir de compensation… Cette nuée d’entrepreneurs doit amener une phalange d’ouvriers, et c’est alors que, prenant son essor, le commerce va faire son œuvre féconde… Tout le monde doit prendre place à la table de famille, et les abeilles vont enfin butiner, le miel va enfin couler !

Eh bien, non, le frelon est là qui les guette, ces travailleurs ! Déjà il a pénétré dans une ruche, il en est le maître, il triomphe !…


Et l’orateur conclut :


Le mot de « coopération » n’a pas plus de valeur sur l’étiquette de ces établissemens que la croix du Christ du Portugal sur la poitrine d’un rastaquouère ! Il n’y a que le prix à y mettre, et l’affaire est assez bonne pour qu’ils y mettent le prix !… Et nous, commerçans, il nous faut payer un loyer, des contributions, et il nous faudrait supporter qu’une société de riches négocians, industriels et politiciens, vienne s’emparer d’un terrain qui n’est pas le leur, et, au comptant, n’ayant aucun frais généraux à supporter, nous fauchent l’existence commerciale à armes inégales, et soutenus par une administration dont nous alimentons la caisse ?

………………..

Avec peine, nous satisfaisons les besoins de la cité et de l’État, le patenté est l’être pressurable par excellence, mais ne le tarissez point, et voyez si une société, si coopérative qu’elle soit, faisant un million d’affaires, vaut, au point de vue fiscal, un petit fruitier faisant 6 000 francs par an !…

En tolérant cela, c’est du socialisme que nos représentans font, mais ils créent un danger social.


C’est le discours du marchand de vins du Danube ; et tout le « grand électeur » est dans cette harangue à la fois pittoresque, virulente et « conservatrice. » Le débitant, en ce moment-ci, par l’exclusive et logique passion de son métier, est devenu la représentation la plus accentuée de cet ancien petit commerce français que soulève et indigne la partialité avec laquelle on le sacrifie à la grosse et montante spéculation socialiste. Il défend, à sa manière, la vieille et originale personnalité humaine, si susceptible, si intéressante, et que blesse de plus en plus le