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CHATEAUBRIAND[1]

Messieurs, — et aussi Mesdames, car enfin, dans cette journée consacrée tout entière à Chateaubriand, ne nous adresserons-nous pas un peu aux femmes, s’il les a beaucoup aimées, et que, peut-être, il leur ait dû, avec certaines qualités de race, ce que son christianisme a dans la forme ou dans le tour, dans la nuance, qui le distingue du christianisme, identique sans doute au fond, mais plus austère pourtant, de Pascal ou de Bossuet, — Messieurs donc, et Mesdames, j’éprouverais quelque inquiétude, et je me sentirais intérieurement troublé, d’ajouter un discours encore à tant d’éloquens discours que vous avez entendus[2] si, d’abord, votre affluence ne me rassurait ; et puis, si je ne m’avais mon excuse toute prête, ou ma justification, dans le lieu où je parle de Chateaubriand, dans la complexité de son génie, et dans les circonstances qui m’ont permis d’accepter d’en parler. Les circonstances, — si jamais, et je crois que je vous le montrerai, son œuvre n’a été, je ne dis pas plus « vivante » seulement, mais plus « actuelle » que de nos jours, et depuis une quinzaine d’années ; — son génie, si nous pouvons être assez sûr que nos éloges

  1. Conférence prononcée à Saint-Malo, le 7 août 1898, sous les auspices de la Société des Bibliophiles bretons, et de la ville de Saint-Malo. Je n’en ai rien retranché que l’anecdote de la cuisinière de l’abbé Morellet, — quand le vieil encyclopédiste la faisait asseoir sur ses genoux pour vérifier si Chactas avait pu tenir, en cette position, les pieds d’Atala dans sa main ; — mais j’y ai ajouté, de-ci, de-là quelques phrases, et quelques notes.
  2. Je faisais allusion par ces mots au vigoureux sermon du P. Ollivier, sur Chateaubriand chrétien et patriote, prononcé le matin même dans la cathédrale ; à l’éloquence discours de M. E. M. de Vogüé, parlant sur la tombe de Chateaubriand, au nom de l’Académie française ; et à la spirituelle allocution de M. 1. de la Borderie, parlant à la fois au nom de la Société des Bibliophiles, dont il est le président, et de la Bretagne entière, dont il s’est fait l’érudit, l’exact, l’éloquent historien. Les deux volumes actuellement paru de son Histoire de Bretagne, que nous avons en leur temps signalés à nos lecteurs, annoncent, ou plutôt sont déjà l’un des plus solides monumens que l’érudition contemporaine et locale ait élevés à la gloire d’une grande province.