Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demande asile : ainsi cette Lannoy qui, en 1793, est la bonne des enfans Beauharnais, et dont le frère, pendant la Révolution, fait toutes les affaires de Joséphine et de la Renaudin ; ainsi Malvina ; ainsi Euphémie Lefebvre, Mimi, qui est venue de la Martinique avec Joséphine en 1779, qui a été plus tard la bonne d’Eugène et est restée dévouée aux enfans au point que c’est chez elle que Hortense se réfugie en 1815 ; ainsi Madame Duplessis, petite parente des Tascher, qui, en 1804, a amené de la Martinique les enfans Tascher et, depuis lors, est restée à la charge de Joséphine ; tout un petit monde qui, aux heures matinales, entre et sort sans qu’on y prête attention, qui fait toutes sortes de commissions, est mêlé à quantité d’affaires, et qui est demeuré d’autant plus discret que, le plus souvent, il a ignoré l’importance et le lien des choses.


Les premiers actes de la toilette sont fort longs, car Joséphine a cette minutieuse et rare propreté des femmes galantes et des créoles. Elle prend chaque jour un bain et elle a, pour les lavages, toutes sortes d’outils raffinés, des bouilloires d’argent, des seaux d’argent pour les pieds, des cuvettes d’argent de toutes grandeurs et qu’on porte partout après elle. Mais ce n’est point là le compliqué : ce qui l’est, pour Joséphine, c’est de faire sa tête, de boucher les rides, de lisser la peau, d’effacer la patte d’oie, d’aviver les couleurs. Au temps de sa jeunesse, toute femme de condition se fardait ; cela faisait partie intégrante de la toilette, mais Joséphine en a abusé au point que, dès 1804, le blanc qu’elle met sous son menton, ne tient plus. Il s’écaille, le couvrant d’une sorte de poudre blanchâtre : comme de juste, elle ne convient point de la cause que d’ailleurs, vraisemblablement, elle ignore ; elle dit que l’état de son menton indique celui de sa santé et lorsqu’on lui demande comme elle se trouve : « Mais, pas bien, répond-elle : voyez, j’ai mes farines. »

Pour le rouge, non contente d’en aviver les pommettes, elle en couvre presque ses joues ; mais, à la Cour, en représentation, ces grands acteurs qu’il faut regarder à distance peuvent-ils se passer de maquillage ? Toutefois Joséphine va peut-être un peu loin : en une seule année (1808), elle prend du rouge chez Martin pour 2 749 fr. 58, chez Madame Chaumeton pour 598 fr. 52, et il s’en trouve encore dans les mémoires des autres parfumeurs, Gervais-Chardin et la veuve Farjeon et fils. Elle y a si bien habitué l’œil de Napoléon qu’il exige que toutes les femmes qui