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en fin de compte ; et j’abandonnai mon projet sans vergogne, me résignant à voir mon insuccès servir d’exemple mémorable dans les futurs sermons des mollahs, pour démontrer aux pèlerins comment les infidèles les plus éminens et les mieux outillés perdent leur temps à vouloir sonder ou profaner les mystères de la religion. Je n’eus donc pas la bonne fortune d’admirer le trône de Salomon dont j’avais vu ailleurs d’autres reliques. Je regrette de n’en pouvoir donner ici la description ; et je conservai, par la même occasion, mes rhumatismes, ce que je regrette presque autant.

Je vis de près, du reste, en parcourant les abords de la montagne, une autre pierre thérapeutique, bloc jeté comme un pont sur un couloir étroit entaillé dans le rocher. La pierre était usée et polie par le frottement des corps des indigènes qui s’étaient faufilés dans ce trou au risque de s’y rompre les côtes : l’effet, dit-on, est du même genre que celui de la pierre de la caverne, quoique moins sûr. En présence de l’incertitude du résultat au point de vue médical, mais de la certitude de l’insuccès au point de vue gymnastique, je ne tentai pas l’expérience. Je ne puis donc dire à quel point la vertu miraculeuse de ce traitement est infaillible. Cependant, là encore il peut y avoir, sous cette superstition en apparence puérile, un fondement de vérité. Les jeûnes et le régime préalables auxquels se soumettent certains malades pour arriver au degré de maigreur qui leur permet de tenter l’épreuve peuvent constituer une excellente médication pour les pèlerins riches dont la maladie a pour origine les excès de nourriture ou l’alimentation défectueuse, qui, chez nous, produisent la goutte ou certains accidens arthritiques. Ce régime de diète, accompagné de prières appropriées, est évidemment une excellente spéculation pour les couvens voisins, où les pèlerins notables subissent la retraite préparatoire.

A propos du tombeau de Salomon à Och, comme pour le tombeau d’Alexandre le Grand à Marghelan, on peut objecter que plusieurs autres endroits, dans le monde islamique, revendiquent le même honneur. Mais cette objection, nous l’avons dit, n’en est pas une pour les Musulmans, chez qui plusieurs saints vénérés, qui n’ont eu pendant leur vie qu’un seul corps, portent après leur mort le surnom de Bou-Goubrine (l’homme aux deux tombeaux) et possèdent en cette qualité deux mausolées plus ou moins éloignés l’un de l’autre, abritant deux cercueils, dont chacun