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par son voyage, exécuté d’une extrémité à l’autre de l’Empire chinois, de la Mandchourie jusqu’au Kachmir, qui lui a valu la grande médaille d’or de la Société de Géographie de Londres. En apprenant la présence de Younghusband dans ces parages, je résolus de marcher à sa rencontre et de lâcher de coordonner mes observations avec les siennes, en comparant mes instrumens aux siens.

Groumbtchevsky voulut bien me montrer également ses calepins d’observations et ses instrumens et me donna ainsi, avec une complaisance extrême, les bases les plus précieuses et les plus précises pour une partie du voyage que j’allais entreprendre. Il me fournit aussi des indications météorologiques qui, à vrai dire, n’étaient pas absolument rassurantes pour moi comme pronostics. Ses registres, qu’il me communiqua, m’apprirent qu’il avait eu, cinq jours auparavant, 28 degrés de froid dans le voisinage du col de Taldyk, et qu’il y avait trouvé beaucoup de neige. Traversant l’Alaï quelques jours plus tard, et par des passes plus élevées, je devais, selon toute apparence, m’attendre à des températures pires.

Les deux voyageurs nous donnent, de première main, des renseignemens sur leurs découvertes géographiques, qui ne doivent être publiés que plus tard.

Le développement de l’itinéraire suivi depuis dix-sept mois par eux, à partir de la frontière russe, c’est-à-dire depuis le moment où ils ont dépassé les derniers avant-postes, la frontière de ce côté étant alors encore indéterminée[1], a été de plus de 7 000 verstes (environ 7 500 kilomètres) ; et le levé géographique en a été très compliqué, non seulement à cause du relief extrêmement accidenté des pays traversés, mais aussi par suite des difficultés politiques rencontrées de la part des habitans. Le voyage a été l’un des plus difficiles et des plus durs qu’il soit possible d’imaginer. Repoussé successivement, pour des raisons diverses, le plus souvent politiques, par les Afghans, par les gens du Khandjoute, par ceux du Ladak, qui n’ont pas permis à l’expédition d’hiverner chez eux, par certains gouverneurs chinois et par divers petits chefs plus ou moins vassaux de

  1. Ceci se passait en 1890. On sait que depuis lors, en 1896, le partage politique de ces régions a été fait, et qu’une délimitation est intervenue entre l’Angleterre, la Russie et la Chine, acte politique auquel ont participé aussi l’Afghanistan et le Khanat de Boukhara. Nous avons rendu compte ailleurs de ces faits, tant au point de vue historique qu’au point de vue géographique.