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l’Angleterre ou de l’Afghanistan, Groumbtchevsky a dû à maintes reprises passer d’un bassin fluvial dans un autre, en coupant des chaînes de montagnes très élevées et par des cols à peine franchissables. L’expédition est restée pendant cinq mois consécutifs à des altitudes supérieures à 14 000 pieds, et en atteignant parfois jusqu’à près de 19 000.

La région parcourue s’étend, en latitude, depuis le 35e jusqu’au 40e degré Nord, et, en longitude, depuis l’Afghanistan jusque près de la partie centrale du Thibet. L’ambition de la mission était, comme celle de presque toutes les expéditions thibétaines, d’atteindre Lhassa, la mystérieuse capitale du Bouddhisme, et, pour cela, elle avait pris Polou comme base d’opérations. Mais, après avoir franchi les monts Kouen-Louen par un défilé extrêmement difficile, celui de Lou-bachi, haut de 17 500 pieds, elle dut rebrousser chemin, après avoir poussé jusqu’au petit lac de Gougourtlik, et constaté, par une reconnaissance dirigée vers l’Est, que le plateau, également élevé de 17 000 pieds en moyenne, qui s’étend dans cette direction, était en cette saison (au mois de mai 1890) complètement dépourvu d’eau. Les eaux provenant de la fonte des glaciers ne rendent ces déserts praticables que pendant les mois de juillet, d’août et de septembre. A l’inverse de ce qui a lieu dans les autres déserts arides, c’est pendant la saison la plus chaude et la plus sèche qu’il est possible de trouver de l’eau. Pendant les saisons les plus froides, les sources des torrens ou des rivières temporaires qui pourraient traverser ces hautes régions sont gelées, et le plateau ne reçoit plus d’eau. Ce fait particulier, dû à la configuration des monts Kouen-Louen et des autres chaînes situées au nord de l’Himalaya, qui dominent le Thibet du côté du Sud, est essentiel à noter par les voyageurs. C’est pour l’avoir méconnu que plusieurs d’entre eux ont souvent dû rétrograder ou ont perdu un an, ayant abordé ces plateaux justement au début de la mauvaise saison.

Le capitaine a rapporté une grande quantité de documens scientifiques, et de fort belles collections, formées entièrement par lui-même, à l’exception des collections entomologiques, qui ont été recueillies et préparées par M. Conradt.

Pendant ces dix-sept mois, depuis juin 1889, jusqu’en octobre 1890, il a fait soixante-treize observations astronomiques, trois cent soixante-sept observations altimétriques, à l’hypso-thermomètre, plus de trois mille observations météorologiques,