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III

La découverte du nouvel élément de l’air, l’argon, a été annoncée par lord Rayleigh et W. Ramsay, au congrès de la British Association tenu à Oxford au mois d’août 4894. Le gaz qu’ils avaient obtenu était plus lourd que l’azote et plus soluble dans l’eau. Au point de vue chimique, sa caractéristique était sa profonde inertie. L’azote est déjà considéré comme l’un des corps les plus réfractaires aux réactions chimiques : l’argon l’est davantage. Tandis, en effet, que l’on réussit, au moyen de l’étincelle électrique, à combiner l’azote à l’oxygène et que l’on peut, à la température du rouge, le fixer sur le magnésium et d’autres corps, rien de pareil n’est possible avec l’argon. Il résiste à tout, ou peu s’en faut.

Cette circonstance que l’argon est un corps extrêmement indifférent et qu’il est mélangé dans l’air à l’azote qui ne l’est qu’un peu moins, explique notre longue ignorance à son égard. Toute la difficulté de sa découverte consistait précisément à l’en séparer et à l’isoler.

D’autre part, l’argon n’est point un facteur négligeable de l’atmosphère, puisqu’il y existe en quantité environ trois fois plus grande que la vapeur d’eau, de trente à cent fois plus que l’acide carbonique, et des centaines de fois plus que les autres facteurs tels que l’ozone et l’ammoniaque que l’on y dose journellement. Ce contraste entre l’abondance de l’argon resté méconnu pendant si longtemps et, d’autre part, la rareté des autres constituans déterminés avec une excessive minutie, est une source d’étonnement pour les profanes de la chimie. Ils ne comprennent pas que tant d’habiles chimistes aient pu, suivant une locution vulgaire applicable ici, « méconnaître la poutre et apercevoir la paille.. »

En fait, dans toutes les analyses de l’air on a jusqu’ici compté comme azote la partie qui subsiste après qu’on a absorbé les autres gaz ou vapeurs. C’est ce résidu, qui a échappé à toutes les réactions, qui constitue ce que l’on appelle l’azote atmosphérique. Ce résidu est composé, comme viennent de nous l’apprendre MM. Rayleigh et Ramsay, de 83 parties d’azote véritable et d’une partie d’argon. Cet azote véritable est donc différent du prétendu azote atmosphérique. Sans doute les savans jusqu’à ce jour