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lequel pareille résolution de molécules n’existerait pas. En réalité, cette supposition est peu vraisemblable. Il y a d’abord des raisons de penser que l’azote doit être très difficile à dissocier. Sa molécule Az2 est diatomique, c’est-à-dire constituée de deux atomes, couplés, fortement accrochés l’un et l’autre ; c’est ainsi que s’explique son indifférence vis-à-vis des autres corps. C’est parce que ses atomes se recherchent et se saisissent avec énergie qu’ils ne peuvent être séparés par l’attraction chimique des autres substances. Si l’on suppose qu’une opération de la préparation du gaz, par exemple son passage sur le cuivre chauffé au rouge, serait capable de cliver la molécule en ses deux atomes, ceux-ci se reprendraient à la première occasion. L’azote chimique, à partir du moment de sa préparation, se condenserait par reconstitution de sa molécule complexe ; on verrait son poids spécifique augmenter plus ou moins lentement.

On ne constate rien de pareil. Et en supposant que cette reconstitution de la molécule diatomique ne se fait point, parce que peut-être l’affinité de ses atomes serait moins grande que nous ne l’avons supposé, aidons cette affinité, employons des moyens qui favorisent la condensation. Nous en connaissons précisément un qui s’est montré très efficace dans d’autres cas. C’est l’effluve électrique. Appliqué à l’oxygène, dont la molécule est diatomique (O2), il la rompt, pour faire des molécules à trois atomes O3. Cet oxygène triatomique plus dense c’est l’ozone. Lord Rayleigh et M. Ramsay appliquèrent donc l’effluve électrique à l’azote chimique. Ils n’observèrent aucun changement ; le poids resta le même après comme avant. Il leur fallut écarter cette supposition que l’azote chimique serait un azote pur dissocié.

La chimie suggère une seconde hypothèse qui est le contre-pied de la précédente et qui expliquerait encore la différence de densité des deux azotes. Il serait possible que l’azote atmosphérique à son tour fut de l’azote condensé, tandis que l’azote chimique serait de l’azote diatomique simple. On comprendrait ainsi qu’il fût plus lourd dans le premier cas. Quelques auteurs ont prétendu qu’en fait on peut condenser l’azote chimique et le transformer en une modification allotropique, qui serait à l’azote normal ce que l’ozone est à l’oxygène. Deux expérimentateurs, MM. J.-J. Thomson et Treefall, en pratiquant l’électrolyse de l’azote sous de très faibles pressions, ont obtenu, semble-t-il, un azote condensé de ce genre. Mais ce corps est peu stable. Il ne